Christine Machiels, historienne au CARHOP,
enseignante à l’Institut Cardijn (HELHa)
Ma découverte de la revue La Gazette Parallèle s’inscrit dans le cadre d’une recherche visant à mieux comprendre la manière dont une génération précédente de travailleurs sociaux a pu, dans les années 1970-1980, s’exprimer sur le sens de leurs pratiques et de leurs métiers[1]. Ce chantier vise d’abord à aller à la rencontre de plusieurs d’entre eux qui témoignent, selon leurs expériences, de l’évolution du sens du travail social, d’hier à aujourd’hui. Il n’est plus à démontrer que cette démarche de récolte de sources orales, même à ses balbutiements, conduit à d’inépuisables ressources, qui viennent tout à la fois enrichir la mémoire, l’histoire, mais aussi un projet de transmissions[2]. Il faut toutefois convenir que l’entretien sur une réflexion passée, qui se situe à plus de quarante ans d’ici, se construit toujours à l’aune de questionnements contemporains : comment témoigner des mutations des métiers du social et, plus encore, de l’évolution du sens du travail social sans se raccrocher à l’actualité des débats sur la confusion entre les finalités d’aide et de contrôle du travail social, incarnée par des pressions vécues aujourd’hui, notamment sur la déontologie ou le secret professionnel, « outil pour soutenir les enjeux fondamentaux du travail social »[3] ? L’historienne touche ici à l’incroyable force (sa « contemporanéité »), en même temps qu’à l’inextricable limite (son caractère « construit »), de la source orale.
La revue La Gazette Parallèle, mensuel édité à Bruxelles et diffusé auprès des professionnels du travail social entre 1977 et 1984, est évoquée une première fois lors d’une réunion du comité d’accompagnement de la recherche, par l’un de ses anciens lecteurs, comme une source potentielle sur la période que nous étudions[4]. Par la suite, mes différentes rencontres avec des travailleurs sociaux révèleront que la lecture de La Gazette Parallèle à la fin des années 1970 et au début des années 1980 est souvent partagée. Mais les souvenirs s’arrêtent là… Plusieurs articles de La Gazette Parallèle sont en outre régulièrement cités dans la littérature spécialisée des secteurs psycho-médico-sociaux des années 1980[5]. J’ai souhaité revenir sur les traces de ce projet[6].
Je n’ai, à ce jour, pas réussi à reconstituer une collection complète de la revue La Gazette Parallèle. On la retrouve conservée, de manière incomplète, notamment à la Bibliothèque royale à Bruxelles, ainsi qu’à la bibliothèque de droit de l’Université catholique de Louvain, à Louvain-la-Neuve[7]. Plusieurs numéros épars peuvent également être trouvés dans des fonds d’archives privées conservés en Belgique (l’AMSAB à Gand, l’IHOES à Liège, le CArCoB à Bruxelles, le CEGESOMA à Bruxelles) ou en France (les Archives nationales du monde du travail à Roubaix).
Le premier numéro de La Gazette Parallèle, journal d’information sur la protection de la jeunesse et la santé mentale des jeunes, date de mars 1978. Il est toutefois fait mention de numéros antérieurs, notamment dans l’éditorial de 1979 : « En 1977, quatre numéros de quatre pages sont sortis. Puis c’est le silence jusqu’au mois de mars 1978 »[8], dont nous n’avons pas encore retrouvé la trace. C’est cette toute première période du journal (1978-1980) qui a retenu plus particulièrement mon attention : il s’agit de la période la plus militante du projet, mais aussi celle où le focus est exclusivement centré sur la protection de la jeunesse et la santé mentale des jeunes[9]. Dans un article du CRISP publié en 1979 sur les « nouveaux courants de la presse francophone en Belgique après mai 1968 »[10], La Gazette Parallèle est répertoriée dans la catégorie « presse de contre-information sectorielle [catégorie : Justice] ». Le projet rédactionnel tend à évoluer dès le milieu des années 1980. Le mensuel paraît sous le titre La Gazette Parallèle jusqu’en 1984 où il change de nom et devient Projets et perspectives. La publication prend fin en 1986.
J’aborde la source avec plusieurs questionnements. Le projet de La Gazette Parallèle émerge en 1976, quatre ans après la sortie du numéro spécial de la revue Esprit, intitulé « Pourquoi le travail social ? »[11]. Une enquête menée par la revue fait bouillonner les professionnels du travail social en France et ailleurs… Comment cette réflexion percole-t-elle en Belgique ? L’initiative de La Gazette Parallèle et sa ligne éditoriale s’inscrivent-elles dans cette même démarche d’interrogation du travail social ? Enfin, que peut m’apprendre ce journal sur la façon dont certains travailleurs sociaux (précisément ceux qui veulent prendre la parole, qui s’expriment et qui ne sont pas forcément, représentatifs de la majorité) questionnent-ils leur environnement, leur métier, de la fin des années 1970 au milieu des années 1980, particulièrement dans le secteur de la protection de la jeunesse et de la santé mentale des jeunes, qui est au cœur de La Gazette Parallèle à ses débuts ? Vu l’absence de collection complète, l’article ne peut être ici qu’exploratoire. Pour bien comprendre l’évolution du projet rédactionnel, la lecture de la revue a été complétée par les témoignages de deux rédacteurs en chef de La Gazette Parallèle : Daniel de Beer pour la période 1978-1980 et Françoise de Thier pour 1982-1984[12].
La Gazette Parallèle, une initiative du CPGA
Bernard de Crayencour, alors assistant en droit à l’Université catholique de Louvain (UCLouvain), et fondateur d’une petite asbl, le CPGA, le Centre pour la recherche sur la prévention et la guidance des adolescents[13], dont le but est d’informer les professionnels du secteur, est l’initiateur de La Gazette Parallèle. Son intervention s’inscrit dans un contexte où la question de l’éducation en milieu ouvert, basée sur les principes d’ouverture, d’accompagnement et d’autonomie, est particulièrement prégnante. Elle concrétise une prise de distance des professionnels du secteur de ce que l’on appelait la « protection de la jeunesse » à l’égard des « institutions mères pour jeunes inadaptés » alors marquées par « le paradigme du cloisonnement, de la normalisation et de la dépendance »[14]. Le siège social du CPGA est situé au n° 24 de la rue de la Sablonnière à Bruxelles. À l’origine, l’asbl a pour vocation de développer et organiser des activités à destination des professionnels selon trois services : un service « études et recherches » ; un service « formation et éducation permanente » ; un service « information et documentation ». Au point de départ, Bernard de Crayencour est le principal/seul animateur de cette structure. Les quatre premiers numéros de La Gazette Parallèle, mensuel du CPGA, parus en 1977, sont vraisemblablement réalisés par ses soins. Quelques mois plus tard, Bernard de Crayencour est rejoint par deux jeunes diplômés de l’UCLouvain, Daniel de Beer et Didier Frans, qui commencent leur service civil au CPGA. Ils sont amis et connaissent bien le secteur de la protection de la jeunesse ; ils font partie d’une même équipe de volontaires qui anime les week-ends et les vacances de jeunes d’une maison d’enfants. À la fin de ses études de droit, Daniel de Beer travaille quelques mois comme éducateur dans un Foyer de jeunes travailleurs, une institution hébergeant une trentaine d’adolescents placés par le juge de la jeunesse, avant de rejoindre, comme objecteur de conscience, le CPGA[15]. Il devient le premier rédacteur en chef de La Gazette Parallèle en 1978.
« Le début était très amusant (…) C’étaient encore des grands formats (…) C’est nous qui tapions à la machine, découpions, collions, allions à l’imprimerie qui se contentait de reproduire. En fait, on payait l’impression pour les 10, 15 ou 20 nouveaux abonnés que cela allait provoquer. On était donc sur le fil, chaque fois, numéro par numéro », se souvient Daniel de Beer.
La Gazette Parallèle ne vit alors que de ses abonnés. On en comptabilise 99 en septembre, 125 en octobre, 104 en novembre 1978… La diffusion de la revue prend de l’ampleur. Surtout, le journal obtient un subside, à l’initiative de Jean-Maurice Dehousse, alors ministre socialiste de la Culture française. La revue devient « moins bricolée, plus professionnelle », elle paraît de manière régulière avec une nouvelle présentation à partir de septembre 1978. Très vite, le nombre d’abonnements croît de manière exponentielle : en 1981, on évoque un objectif de 1 000 abonnés. « On pouvait se permettre davantage d’envois prospectifs, on commençait à être rôdés, La Gazette Parallèle sortait en temps et en heure… Cela était les belles années de La Gazette Parallèle… 1978-1979… ».
Le projet militant : « savoir égale pouvoir »
La Gazette Parallèle nait d’un constat : « Les études, recherches et pratiques consacrées aux différentes formes de déviance, de délinquance et d’inadaptations sociales chez les jeunes sont nombreuses. Les structures et services mis en place pour étudier, traiter, rééduquer, resocialiser les jeunes sont multiples et spécialisés. Des études et des initiatives diverses sont organisées dans le cadre de la prévention. Pour beaucoup de praticiens et de chercheurs, il est difficile et important de se tenir au courant de tout ce qui se dit et se fait dans ces domaines mouvants et complexes »[16]. Le premier objectif de la revue est donc d’informer les professionnels du secteur de la protection de la jeunesse et de la santé mentale des jeunes. Cette information passe par le dépouillement des périodiques, des revues, des livres sur ces thèmes, par la création de contacts/réseaux en Belgique et à l’étranger pour faire connaître des expériences, par une veille des évolutions législatives et réglementaires propres aux secteurs.
« Et cette idée de Gazette Parallèle me plaisait vraiment beaucoup » explique Daniel de Beer. « Elle me plaisait beaucoup parce que tout ce qui existait comme support était des publications très conventionnelles. Moi, j’avais été éducateur, sensibilisé à toutes ces questions-là, et je trouvais que c’était un très bon outil d’information dans la mesure où il visait tous les acteurs : que ce soient de milieu ouvert ou non, que ce soient des acteurs institutionnels ou non, que ce soient les éducateurs, les directions, etc. Et l’idée, c’était de dire : “nous sommes vraiment pleinement indépendants, donc on ne doit rendre des comptes à personne, dans le sens, on ne doit faire attention à rien”. Et donc on peut ouvrir les débats, on peut donner des informations qu’on ne retrouve pas ailleurs. » L’objectif d’informations se concrétise au travers de plusieurs rubriques : une revue de presse, une revue des revues, les nouvelles des associations, le suivi des règlements/législations, la retranscription d’exposés ou d’interventions lors de colloques, de journées d’études ou de séminaires, l’agenda des formations, la rubrique des « potins », etc.[17]
Très vite, l’équipe de rédaction de La Gazette Parallèle se révèle plus explicite sur le sens de la démarche de recherche documentaire qui préside à la ligne éditoriale du projet. « Savoir égale pouvoir », lit-on dans l’éditorial du troisième numéro de la revue en mai 1978. Interrogé sur l’ambition militante de la revue, Daniel de Beer confirme : « le purement documentaire ne m’intéressait que dans le sens “savoir égale pouvoir”. Voir ce qu’il y a en dessous des pierres… À l’époque, j’avais une notion (…) ” Protection de la jeunesse, le trou noir ” : c’était le titre d’une conférence du jeune Barreau. J’étais extrêmement critique à l’égard de ce pouvoir énorme… À l’époque, c’était avant la communautarisation complète, on était dans un autre scénario. Le pouvoir de ces juges de la jeunesse qui ne devaient pas se justifier [était énorme], les droits de la défense n’existaient pas ou quasiment pas… ». Il nuance toutefois : « On ne voulait pas non plus devenir pamphlétaire. On tenait beaucoup à [ce qu’on soit] critique, mais fiable et crédible. Je ne sais pas si on l’était toujours, mais c’était l’objectif ».
La « Protection de la jeunesse », un secteur qui bouillonne
La naissance de la revue La Gazette Parallèle s’inscrit dans un contexte médiatique et social dans lequel « l’enfance inadaptée » a fait son apparition. Plusieurs scandales dans des homes d’enfants, dont celui de Saint-Hubert puis de Brasschaat[18], et la publication en 1975 du témoignage de Jules Brunin, ancien enfant du juge[19], ont contribué à l’émergence d’une mobilisation des éducateurs autour de deux revendications : décloisonner les institutions et améliorer le statut des travailleurs[20]. Le sociologue, Bernard De Backer, résume les enjeux du mouvement social : « Comme dans d’autres secteurs (hôpitaux psychiatriques, internats scolaires, maisons de repos…), la remise en cause s’en prend d’abord à “l’institution totale” que Goffman a dénoncée (la traduction d’Asiles est publiée en 1968)[21]. “Une véritable révolution culturelle”, diront les syndicalistes qui ont vécu le mouvement de près. Puis ce seront les modèles pédagogiques, l’organisation du travail, la déjudiciarisation de la Protection de la jeunesse, devenue Aide à la jeunesse – sans oublier le passage de la tutelle politique de l’État fédéral aux Communautés et aux Régions –. Un quart de siècle plus tard, le paysage institutionnel, les logiques pédagogiques et les modèles culturels qui les sous-tendent ont profondément changé ».[22]
Sur le plan législatif, le secteur de la protection de la jeunesse est régi par la loi du 8 avril 1965 dont l’ambition est de « protéger tous les mineurs en danger, dans le cadre d’une politique de bien-être ». Cette réforme constitue un tournant dans la vision du modèle « protectionnel », désormais sorti du cadre pénal originaire, duquel le législateur de 1912 (loi du 15 mai sur la protection de l’enfance) était resté prisonnier[23]. La loi de 1965 s’organise autour de deux axes complémentaires : la protection sociale préventive et la protection judiciaire coercitive du mineur en danger. Le texte recommande notamment une approche préventive ainsi qu’une prise en charge socio-éducative « dans l’intérêt de l’enfant ». Il prévoit l’instauration de Comités de protection de la jeunesse pour assurer la prévention. En matière de protection judiciaire, les compétences du juge de la jeunesse sont considérablement étendues.
En réalité, le manque de moyens met en difficulté la mise en place et le respect de ces principes. La loi de 1965 organise un secteur de la protection sociale de la jeunesse qui relève de la compétence du ministre de la Justice ; dans les faits, il se révèle difficile pour les Comités de protection de la jeunesse de mener une mission de prévention et d’aide aux familles et aux enfants en difficultés, sans être indépendants de la Justice[24]. Ce constat alimente la critique à l’égard d’un modèle « qui mène à l’impasse »[25]. Celle-ci se fait de plus en plus forte à la fin des années 1970 : la mobilisation des éducateurs sociaux contribue à l’alimenter, et le dixième anniversaire de la loi de 1965 est l’occasion pour les praticiens d’entamer une réévaluation de tout le système de la protection de la jeunesse. Même l’opinion publique s’interroge[26]. Progressivement naît l’idée que l’aide à la jeunesse doit se substituer à la protection de la jeunesse.
Dès ses premiers éditoriaux, Daniel de Beer donne le ton de La Gazette Parallèle : « l’aide à la jeunesse n’est plus bonne fille. Elle est devenue une partie importante de l’intervention sociale et met en jeu un nombre impressionnant de réglementations, de personnes, de biens et de capitaux. Malgré cet arsenal, la protection de la jeunesse et la politique de santé mentale des jeunes ne satisfont plus : la palette d’interventions dont la presse fait écho le confirme ».
La justice des mineurs. Une équation difficile entre protection et droits. « Au XXe siècle, l’enfant devient ainsi à la fois un prétexte à intervention dans les “milieux” criminogènes et un objet stratégique des politiques pénales préventives, dont l’orientation est d’intervenir en amont du crime. Au sein de ces nouvelles politiques, incarnées par le Tribunal pour enfants, l’articulation du pénal, du social et du médical a combiné plusieurs approches normatives se renforçant les unes les autres. Leur objectif est de réduire la dangerosité des individus à risque. Dans cette perspective, l’enfant dangereux et l’enfant en danger sont deux catégories qui tendent à fusionner, car relevant de la même problématique. Si la justice adopte alors une posture plus “protectionnelle”, considérant finalement que l’environnement social plus que les faits commis ou subis prime dans l’évaluation de la situation de danger, elle repousse par la même occasion l’avènement difficile de la notion de droits de l’enfant au nom d’une politique de sécurité qui se nourrit à la fois de peur et de compassion. En effet, contrairement à ce que laissent penser les récits héroïques de la genèse de la protection judiciaire de l’enfance, il a fallu, tout au long du XXe siècle, concilier ces deux approches contraires qu’étaient la protection, avare en droits, et l’émancipation, octroi de droits. Au nom de la protection (…), on a restreint les droits des familles et des enfants en présumant leur dangerosité. Le mouvement des droits de l’enfant, qui prend de l’ampleur après la Seconde Guerre mondiale, est venu réaffirmer les principes de libertés civiles primordiales et orienter l’action de la justice des mineurs, jusqu’alors essentiellement pénale, vers des procédures civiles posant plus clairement l’équation entre protection et droits. » Machiels C., Niget D., Protection de l’enfance et paniques morales, Bruxelles, Éditions Fabert, 2012, p. 38-39 (collection Temps d’Arrêt). |
Les lectures critiques de la réforme de 1965 sont notamment alimentées par des revues (la Revue Nouvelle en 1977[27], Panopticon en 1980[28]), ainsi que des acteurs de terrain : le Conseil de la jeunesse d’expression française (1977)[29], l’Union des juges de la jeunesse du Royaume (CEDJ, 1979)[30], la Ligue belge des droits de l’homme (1981). Ainsi cette dernière dénonce-t-elle dès 1978 un manque de moyens, mais aussi un souci dans la répartition de ceux-ci : « En effet, s’il y a assez de juges et de policiers de la jeunesse, il y a trop d’institutions de placement (surtout non spécialisées) et il y a trop peu de personnel affecté à la protection sociale et au travail social en dehors des institutions. (…) Les carences des secteurs de l’assistance sociale (CPAS, centres PMS, etc.) qui, soit par facilité, soit par raison d’économie, préfèrent se décharger de leur mission au profit du Tribunal de la jeunesse, ont entraîné la justicialisation que nous dénonçons »[31]. Ces acteurs de terrain ont en commun de défendre plus spécifiquement trois thèmes : l’action en milieu ouvert, la déjudiciarisation, ainsi que la défense des mineurs traduits en justice[32]. La Gazette Parallèle s’empare de ces trois préoccupations.
L’action en milieu ouvert
La Gazette Parallèle, notamment au travers de sa revue de presse qui fait état de l’évolution du statut des éducateurs dans les maisons d’enfants, ainsi que de l’enjeu politique du passage de la protection de la jeunesse du niveau national vers le niveau communautaire, est d’abord le témoin de cette « révolution culturelle », dont fait écho le sociologue Bernard De Backer. Ainsi, peut-on lire dans le numéro de mai 1978 : « Ce qui est alternatif, c’est la conception “culturelle” de la protection de la jeunesse. Cette conception implique : que l’on cesse de considérer qu’il y a une jeunesse saine et une autre qui ne le serait pas ; que l’on dépasse le traitement ou l’enfermement de “ces individuels” pour prendre en compte des réalités collectives ; que les problèmes de protection de la jeunesse soient considérés comme des révélateurs de difficultés d’une majorité de jeunes et que l’on élabore dans les domaines adéquats une véritable politique de la jeunesse ; que l’on donne la priorité à l’action sur le milieu naturel de vie des jeunes plutôt qu’à l’amélioration des institutions de placement ; que l’on tienne compte des réalités et des ressources locales. Le clivage habituellement établi entre placement institutionnel et non institutionnel ne permet pas d’évaluer ou de comparer les pratiques : tout tourne autour de la représentation que le jeune et son milieu ont du placement : prise en charge aliénante ou choix assumé. »[33]
Cette « révolution culturelle » dépasse le seul cadre géographique de la Belgique francophone en même temps que le seul secteur de la « protection de la jeunesse » ; par exemple, elle s’alimente tout à la fois, de manière spécifique, des enjeux liés au développement de l’action éducative en milieu ouvert, dans des pays voisins, comme en France[34], et, de manière plus générale, du mouvement d’antipsychiatrie qui explose en Europe et qui impacte le travail social dans les centres ouverts de protection de la jeunesse et de santé mentale des jeunes[35].
En Belgique, le travail en milieu ouvert n’existe alors que de manière informelle. En mai 1978, le ministre de la Culture française, Jean-Maurice Dehousse, prépare un projet de décret relatif au travail en milieu ouvert. Celui-ci vise à ce que l’État puisse reconnaître ou agréer, selon certaines conditions, des centres ou établissements destinés à assurer l’accueil et l’accompagnement des jeunes en milieu ouvert, et ainsi soutenir l’existence de ces centres en leur accordant une aide matérielle et/ou financière. Avant d’aboutir au décret, il lance un programme expérimental visant à soutenir financièrement douze organismes, sélectionnés en 1978. Les conventions sont reconduites pour 1980. Cette initiative s’inscrit dans les perspectives de la communautarisation de l’aide aux jeunes et de la reconnaissance du droit des jeunes[36]. En 1982, La Gazette Parallèle consacrera un dossier à la présentation des organismes subsidiés qui expérimentent ces nouvelles formes d’aide à la jeunesse[37].
La déjudiciarisation
Pour Daniel de Beer, la déjudiciarisation de la protection de la jeunesse, initialement inscrite dans l’idéal du modèle « protectionnel » réformé en 1965, passe précisément par la communautarisation (dit autrement la « culturalisation »), dans le contexte de la réforme de l’État. « Oui, à la déjudiciarisation ! », exprime-t-il. « On s’accorde aujourd’hui à estimer que des structures d’aide doivent offrir accueil, secours et soutien et qu’il est temps de mettre sur pied un système de prévention efficace. L’intervention judiciaire doit être subsidiaire, et la compétence du juge précisée. En fait, n’est-ce pas rendre au Tribunal de la jeunesse sa vocation première : trancher les conflits ?[38]
La Gazette Parallèle s’attèle d’abord à dénoncer le pouvoir étendu du juge de la jeunesse. Une rubrique est créée, intitulée « Tribunal de la jeunesse ». Elle est régulièrement alimentée par des comptes-rendus d’audiences publiques, car La Gazette Parallèle s’aperçoit qu’elle suscite des réactions de lecteurs qui disent mal connaître cette réalité[39]. En Belgique, le Tribunal de la jeunesse est saisi par le Parquet. Seul le tribunal (réunissant au moins le juge, le procureur du roi, le greffier et l’avocat du mineur) peut prononcer des mesures (et non pas des peines). La rubrique abrite une véritable chronique des Tribunaux de la jeunesse. Patrick a onze ans. Il est déféré au Tribunal de la jeunesse de Liège en 1979, comme « mineur en danger ». « La seule question que le juge de la jeunesse semble se poser, c’est : « Je place ou je ne place pas ? », commente Jean-Pierre Bartholomé, l’auteur de la chronique. Il poursuit : « Les progrès de la criminologie, de la psychologie, de la sociologie, etc. n’y ont rien changé. Le style varie. Tantôt sévère, tantôt bienveillant, moralisateur ou psychologisant, au fond, le juge ne s’en réfère qu’à ses bons et moins bons sentiments ». L’auteur oppose à cette logique une autre réflexion : « Ce que j’ai à proposer à la place dites-vous ? Ah oui. Moi rien. Mais le ministère de la Justice, les professeurs d’université, les praticiens de la protection de la jeunesse nous ont dit que, dans 90 % des cas, on avait de meilleurs résultats en évitant le placement. On a contrôlé, expérimenté. C’est l’assistance éducative prévue par la loi depuis 1965. Pourquoi ces mots sont-ils si rarement prononcés dans les salles d’audience ? Pourquoi ne pas aider ce garçon, sa mère et l’homme, qui vit avec elle, à vivre ensemble ? »[40]
Daniel de Beer voit, dans le passage du secteur de la protection de la jeunesse du niveau national au niveau communautaire, une opportunité de retravailler la question de l’aide aux jeunes. Il positionne La Gazette Parallèle dans le cadre de ce processus : « Nous pensons que ce travail doit être suivi de très près, qu’il appartient à tous de connaître les projets, les glissements, les intuitions et les politiques, et d’y participer. C’est un des objectifs du journal : être un compagnon »[41]. C’est précisément au suivi des discussions sur le plan de la communautarisation et de la déjudiciarisation que s’attèle La Gazette Parallèle, au travers d’une rubrique intitulée « Après le Pacte d’Egmont »[42]. Le contexte est celui de prises de position diverses et parfois contradictoires sur la loi de 1965, dont certains souhaitent une refonte complète. La Gazette Parallèle décide d’ouvrir ses colonnes à ce « débat permanent ». Elle y publie des avis et des propositions (comme celle de la Fédération des institutions spécialisées d’aide à la jeunesse ( FISAJ), le rapport du ministre Tindemans, l’avis de l’Union des juges de la jeunesse, celui de la Ligue belge pour la défense des droits de l’homme, de l’Union des juges de la jeunesse du Royaume)[43]. La déjudiciarisation de la protection de la jeunesse s’opère effectivement de manière partielle lorsqu’est réalisée le transfert de la « protection sociale de la jeunesse » du ministère de la Justice à la Communauté française[44]. Désormais, les Comités de protection de la Jeunesse, l’ensemble des services sociaux, l’Office national de l’enfance (ONE), les services d’aides aux familles, les maisons de jeunesse, les institutions médico-pédagogiques, les centres de guidance, et d’autres services relèvent de la Communauté française[45].
Les droits des jeunes
« On parle beaucoup de la défense des mineurs au tribunal et du rôle de l’avocat. La question perdra sans doute un peu de son objet le jour où se réalisera cette déjudiciarisation », écrit Daniel de Beer[46]. Dans l’attente, La Gazette Parallèle salue les initiatives visant à améliorer le service de défense des mineurs. Par exemple, cette année-là, à Liège, une permanence quotidienne auprès du Tribunal de la Jeunesse, organisée par des avocats, est mise en place ; l’avocat de service peut ainsi informer le mineur de la possibilité qu’il a de faire le libre choix d’un défenseur. La Gazette Parallèle nourrit l’espoir que progressivement un avocat soit désigné pour le suivi du dossier de chaque mineur qui entre dans le circuit judiciaire de la protection de la jeunesse, afin qu’une action « continue et efficace » soit menée dans l’intérêt du jeune[47].
À partir de janvier 1979, La Gazette Parallèle ouvre une rubrique spécialement dédiée à la question du droit des jeunes. On y évoque le droit des jeunes dans ces multiples dimensions : le travail étudiant, les jeunes chômeurs, les allocations d’études, l’égalité des chances dans l’enseignement, les conditions des mineurs mis à la disposition du gouvernement en prison.
De manière concrète, et hautement symbolique, la parole des jeunes a toute sa place dans La Gazette Parallèle.[48] À partir de l’automne 1979, elle ouvre ses colonnes à des journaux un peu particuliers, réalisés au sein des institutions, comme par exemple le journal Le Chicon, devenu Le Franc-tireur de la Maison de nos enfants à Felenne.
Dans le numéro deux du Franc-tireur a paru le premier épisode de la bande dessinée qui a pour héros Pierrot, enfant placé. L’histoire débute au moment où Pierrot comparaît devant son juge pour la première fois. Ce dernier, l’air visiblement satisfait de lui-même, assis confortablement à son bureau derrière lequel se profile une étagère pleine à craquer de toutes parts sous le poids des livres, s’écoute dire : « Écoute Pierrot. Je vais te placer dans une grande maison. Tu auras beaucoup de copains ! ». Le scénariste, qui est un enfant, fait répondre à Pierrot : « Mais je n’ai rien fait ». |
En 1981, la revue publie en guise d’éditorial le témoignage d’un jeune de seize ans, placé en institution : « As-tu quelque chose d’autre à dire pour le journal ? [La Gazette lui est montrée]. C’est con de placer des enfants. Quand on fait des enfants, c’est pour les garder… C’est vrai, hein. Heureusement qu’il y a des homes… si non, la rue… Autre chose ? Non… Et rester chez X (qui est sa famille d’accueil les week-ends) … pour toujours »[49]. On retrouve dans La Gazette Parallèle d’après 1980, d’autres témoignages de jeunes, directs ou indirects, au détour d’articles de fond consacrés à la protection de la jeunesse[50].
Enfin, c’est aussi au nom des droits des jeunes, que La Gazette Parallèle soutient et publie les revendications des travailleurs en maisons d’enfants : « Périodiquement ça bouge. “Ça”, ce sont les travailleurs des maisons d’enfants, lassés d’un statut de laissés-pour-compte, miroir de l’importance que notre société accorde aux enfants dont ils s’occupent. Refuser ces revendications, c’est accepter de taire les exigences qu’on peut avoir vis-à-vis de ceux qui ont le sort de ces enfants entre leurs mains… »[51]
Au final, quand vient l’échéance pour Daniel de Beer de quitter le CPGA[52], son constat reste cependant amer, malgré la vivacité des débats dont il a pu rendre compte : « qu’on ne s’y trompe pas, pour la protection de la jeunesse – et ses avatars : la politique de santé mentale des jeunes, l’aide aux jeunes –, c’est la nuit. Sûrement quelques lanternes brillent et s’allument : la section fermée de Fraipont est fermée, on rêve tout haut de droits reconnus aux jeunes, des avocats trouvent un sens à se promener au Tribunal de la jeunesse, des maisons font du bon travail, des centres locaux se débrouillent bien, des familles d’accueil vivent… La Gazette existe… N’empêche, il y a tout le reste, qui est très lourd. Les éducateurs mal payés, les initiatives aidées peu ou prou, l’arbitraire institué par la loi, le psychologisme envahissant, les grosses institutions, les enfants et les jeunes sans parole et, signe des temps qui ne changent pas, cette volonté de puissance… Faut-il encore et toujours refaire ces mêmes procès ? »[53]
Le processus selon lequel la protection de la jeunesse « non délinquante » devient une compétence communautaire est entamé au début des années 1980. Ce transfert des compétences est avalisé par décret en 1985 (Communauté flamande), en 1991 (Communauté française), et en 1995 (Communauté germanophone). À l’issue de nombreux débats, le décret du 4 mars 1991 consacre une nouvelle politique de l’aide à la jeunesse[54].
L’évolution de La Gazette Parallèle (1980-1984)
Au milieu des années 1980, Bernard de Crayencour réinvestit le projet de La Gazette Parallèle. La même année, le CPGA crée le Bottin social (aujourd’hui le Guide social) qui constitue un outil pour l’ensemble du secteur psycho-médico-social en Belgique francophone. Dans une même optique, La Gazette Parallèle devient un mensuel d’informations sur l’ensemble des interventions psycho-médico-sociales. En avril 1980, on apprend que le Bulletin d’informations pratiques pour la santé mentale cède désormais le relais à La Gazette Parallèle. Les recherches de collaborations du CPGA vont dans le sens de cet élargissement à tous les secteurs : santé mentale mais aussi handicapés, aide sociale, protection de la jeunesse, petite enfance, action et éducation sanitaire, toxicomanies, organisations et centres de jeunes, etc. Pour Bernard de Crayencour, l’objectif des deux publications, le Bottin social et La Gazette Parallèle, est de s’autoéquilibrer financièrement, voire même de rapporter un peu d’argent au CPGA. « La vision, qui préside aux deux projets, est un peu « iconoclaste » pour l’époque, elle sera par ailleurs assez vivement critiquée », témoigne Françoise de Thier.
Si cette dimension plus « marketing » convient au Bottin social (il s’agit d’un « outil de travail » qui se vend), elle est plus difficilement applicable à La Gazette Parallèle qui est un produit un peu plus « marginal » ou confidentiel, dont les abonnements (bien que constants, environ 1 000) ne suffisent pas à soutenir financièrement le projet. En décembre 1980, une convention est conclue entre le CPGA et le SMAEI – Action et recherche en éducation[55], dont Marc Impe, impliqué dans l’équipe de rédaction de La Gazette Parallèle à ses débuts, est le directeur. L’une des raisons de la convention est la possibilité d’accéder à des subventions. Cette convention prévoit que « le CPGA confie au SMAEI la réalisation technique et financière de La Gazette Parallèle sans toutefois céder la propriété intellectuelle et la conception de celle-ci »[56].
En 1982, Françoise de Thier, journaliste et ancienne directrice d’Infor Jeunes à Bruxelles, devient secrétaire de rédaction de La Gazette Parallèle. Elle rejoint une équipe composée de quatre ou cinq personnes : la revue fait appel et accueille régulièrement des objecteurs de conscience. « Pour gonfler artificiellement l’équipe de rédaction, il arrivait aux journalistes de faire l’usage de pseudonymes » se souvient-elle. L’ouverture de la revue au monde médico-psycho-social amène La Gazette Parallèle à s’intéresser à des thèmes plutôt neufs pour l’époque, par exemple le domaine de l’éducation à la santé[57]. La Gazette Parallèle entend mettre en avant la diversité des initiatives et des programmes mis sur pied dans ce domaine, qui semble « correspondre à une prise de conscience assez générale de l’importance de cette discipline considérée jusqu’à tout récemment comme une modalité relativement mineure de la distribution des soins »[58].
On constate à cette période une augmentation des articles de fond, dédiés à tous les secteurs de l’intervention psycho-médico-sociale. C’est désormais la qualité de l’information et des contenus, déjà bien présents dans le projet de départ, qui prime sur le caractère militant de la revue, bien que La Gazette Parallèle continue de monter au créneau pour certaines actualités sociales. La Gazette Parallèle maintient, par exemple, le suivi des revendications en matière de protection de la jeunesse, et, de manière générale, d’ouvrir sa rubrique « La tribune libre » aux acteurs politiques des différents secteurs. Elle consacre notamment plusieurs de ses pages aux débats des juristes sur les projets Gol et Monfils visant à modifier la loi de 1965[59]. Dans un tout autre domaine, La Gazette Parallèle fait aussi l’écho de la polémique, médicale, juridique et politique, qui oppose les « pour » et les « contre » la méthadone dans le traitement de la toxicomanie[60].
Pour affiner son projet éditorial, La Gazette Parallèle lance en outre un referendum à l’attention de ses lecteurs. L’équipe de rédaction rédige « une série d’articles de fond plus importants », et tend à informer précisément sur « les choix politiques qui se prennent dans le secteur de l’aide aux personnes »[61]. La Gazette Parallèle passe à 32 pages, soit 8 de plus que la version précédente. Elle privilégie une approche par dossiers thématiques sur, par exemple, les toxicomanies, les CPAS, l’éducation permanente, la santé mentale, les centres PMS, l’enseignement spécial, la formation professionnelle, le chômage, etc. C’est clairement un choix de la rédaction. Mais c’est aussi un reflet du temps : si les années 1970 sont celles d’une « révolution culturelle », certains observateurs caractérisent la décennie suivante, marquée par une crise économique qui dure, par « le relâchement des solidarités et le repli sur soi »[62].
Ce changement d’optique ne s’accompagne pas d’une chute dans les abonnements, bien qu’il soit régulièrement questionné. Certains expriment la volonté d’une revue plus polémique. L’équipe de rédaction s’y refuse : « Au fil du temps, certains ont parfois souhaité une revue critique, engagée, prenant dès lors position. L’équipe de La Gazette Parallèle s’y est toujours refusé. Non pas parce que ceux qui le demandaient étaient toujours minoritaires, mais en raison de l’essence même de La Gazette Parallèle »[63]. Et de rappeler l’objectif du périodique, tel qu’affirmé en 1983 : « Fournir une information objective, aussi complète et multiface que possible, allant de l’article scientifique aux petites nouvelles diverses »[64].
Ce qui porte un coup fatal à l’aventure de La Gazette Parallèle, c’est un conflit d’édition qui éclate en 1983. Le conflit implique le CPGA, qui réalise la revue, et le SMAEI, qui en assure l’édition. En octobre 1983, le SMAEI retire au directeur de la revue la délégation spéciale de la revue et, en février 1984, licencie toute l’équipe de rédaction. L’association s’approprie le contenu de La Gazette Parallèle. Elle annonce un retour aux origines du projet rédactionnel : « Nous pensons à des améliorations : sans tomber dans un style partisan, il nous semble que La Gazette doit retrouver le style plus polémique qui était le sien, il y a quelques années », peut-on lire dans le numéro de juin-juillet 1984[65]. Ce conflit, au début, ne trouve pas de solutions, au point qu’à partir d’octobre 1984, coexistent deux « Gazettes Parallèles » : elles partagent le même titre, les mêmes rubriques mais un contenu différent.
Le conflit ne se règle que devant les tribunaux. Dans un premier temps, le SMAEI obtient gain de cause en référé. Le CPGA continue son combat, en rebaptisant en décembre 1984 sa revue Projets et perspectives. Le magazine de la vie sociale, édité par l’ADIM, l’Association pour la diffusion de l’information médico-social (petit frère du CPGA). La revue fonctionne désormais par mini-dossiers ; elle ouvre davantage ses colonnes aux groupes et aux associations qui travaillent dans le secteur. Un nouveau jugement donne finalement raison au CPGA et interdit le SMAEI de poursuivre la publication de La Gazette Parallèle. Cette dernière disparaît complètement suite à ces rebondissements judiciaires[66].
En guise de conclusion
Cette contribution sur la revue La Gazette Parallèle ne saurait être qu’exploratoire. Elle a pour vocation de montrer la richesse de la source pour l’histoire du travail social. Témoin de son temps, La Gazette Parallèle à ses débuts constitue un projet militant, fondé sur l’idée que les professionnels du travail social ont besoin d’un bon outil d’information pour ouvrir des débats, remettre en cause les institutions, porter un autre projet politique basé sur le travail en milieu ouvert, la déjudiciarisation de la Protection de la jeunesse et la défense des droits des jeunes. La revue, portée par une poignée de convaincus, n’en est pas moins lue, et passe en quelques mois du statut de lecture confidentielle à celui de référence pour le secteur psycho-médico-social en Belgique francophone. En témoignent l’explosion très rapide des abonnements et leur constance sur plusieurs années : leur nombre ne chutera pas, en dépit des restructurations du journal. 1000 abonnés… Par comparaison, on est très loin aujourd’hui d’atteindre de pareille diffusion pour des revues à destination des professionnels de l’intervention sociale, alors même que le nombre de lecteurs potentiels (de travailleurs sociaux) a augmenté. Aux yeux d’aujourd’hui, la maquette peut bien évidemment sembler désuète ; quant au contenu, il faut noter que la qualité de l’information (recherche de sources, démarche critique, approches inédites) n’est en aucun cas sacrifiée sur l’autel du militantisme. En particulier, la rubrique « La tribune libre », dans laquelle les « grands formats » de l’époque s’expriment, témoigne tout à la fois de l’ouverture de la revue, que d’un signe de confiance, voire de reconnaissance d’une forme de légitimité dans les débats.
La ligne éditoriale de la revue, à ses débuts, fait entrevoir une manière collective de s’interroger sur le sens du travail social auprès des jeunes ; les informations collectées, toutes rubriques confondues, témoignent de la toute puissance du juge de la jeunesse, des dérives liées au fonctionnement d’institutions basées sur les vieux principes du cloisonnement, de la norme, et de la dépendance, des droits et de la parole des jeunes bafoués, et d’une certaine crise d’identité qui touche une profession, celle d’éducateurs, qui ne se reconnait plus forcément dans les modèles de « vocation » ou « d’abnégation de soi », chers à une génération précédente de travailleurs sociaux. La Gazette Parallèle ne se cantonne toutefois pas à décrire ou dénoncer un malaise. Derrière les critiques formulées, il y a un projet, un idéal : celui d’une autre conception de l’aide à la jeunesse, qui se construit pas à pas dans le contexte politique d’une réforme de l’État, où la prévention, l’action en milieu ouvert, les droits des jeunes, et la reconnaissance des travailleurs sociaux occupent une place de choix. Le chemin est long, semé d’embûches. Mais il est aussi marqué par quelques victoires : l’adoption de nouvelles approches professionnelles (antipsychiatrie, travail social communautaire, éducation permanente, etc.), l’amélioration du statut des éducateurs, l’approche expérimentale du travail en milieu ouvert, des initiatives inédites de défense des mineurs, etc.
Certains des questionnements soulevés par la revue La Gazette Parallèle des débuts n’ont pas perdu de leur caractère contemporain. Par exemple, La Gazette Parallèle se veut un « journal d’information sur la protection de la jeunesse ET la santé mentale des jeunes ». Traiter la protection de la jeunesse et la santé mentale est bien une des originalités du projet. La critique de l’époque dénonçait notamment le clivage des politiques de prise en charge : la protection d’un côté, la santé mentale de l’autre. La question reste encore entière aujourd’hui : en témoignent les difficultés d’exister que connaissent des structures transversales, dont la mission est d’accompagner des jeunes qui ressortent à la fois de l’aide à la jeunesse, de la psychiatrie et parfois aussi du handicap[67].
L’approche exploratoire m’a d’abord menée à décrire le projet militant, collectif d’une revue. Les contenus de celle-ci gagneraient toutefois à être analysés de manière plus précise. La revue ouvre régulièrement ses colonnes aux témoignages relatifs à la vie en institutions. En interstice, on peut, de manière irrégulière mais très originale, y lire les témoignages de jeunes ou d’enfants ; cette source est à bien des égards remarquable pour l’histoire culturelle et sociale de la jeunesse[68].
À la lecture de La Gazette Parallèle, on peut aussi toucher de plus près aux questionnements des travailleurs sociaux qui témoignent de leurs pratiques, des façons de les concevoir, et de les faire évoluer. Après 1980, l’ouverture de La Gazette Parallèle à l’ensemble des secteurs psycho-médico-sociaux fait aussi apparaître la diversité et la complexité des métiers, dans des environnements parfois très éloignés ; celui des CPAS[69], des maisons d’enfants, des services d’aide et de soins à domicile[70], des centres PMS[71], des centres de santé mentale[72], ou des centres de prévention contre la toxicomanie, etc. Une éducatrice en foyer de jeunes travailleurs[73], un éducateur de rue à Neufchâteau[74], une aide familiale[75], tour à tour, font part de leurs expériences. Que disent ces témoignages de la « crise d’identité », des questionnements, voire des capacités de résistance des professionnels du travail social ? Ce chantier de recherches reste ouvert…
Notes
[1] Ce projet est mené depuis 2016 par des enseignant·e·s d’histoire sociale, sous l’impulsion de Paul Lodewick, Pierre Tilly (coord.), Christine Machiels, Luc Blanchard (HELHa), Florence Loriaux (HELMo), et avec le soutien du CARHOP.
[2] Machiels C., « Travail social et transmissions. Un chantier prioritaire ! Introduction au dossier », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n° 7, septembre 2018 [En ligne], mis en ligne le 5 novembre 2018. URL : http://www.carhop.be/revuescarhop/wp-content/uploads/2018/11/20181029_RD7_Introduction_au_dossier.pdf
[3] Chambeau M., « Le secret professionnel, un outil pour soutenir les enjeux fondamentaux du travail social », Travailler le social, décembre 2018. Sur les débats qui mobilisent aujourd’hui les travailleurs sociaux, voir l’action du Comité de vigilance en travail social (CVTS) créé en 2002 : www.comitedevigilance.be.
[4] Merci à Paul Lodewick pour cette belle intuition. Plusieurs articles publiés dans La Gazette Parallèle alimentent par ailleurs le « dossier pédagogique d’analyse historique et de mise en pratique sur le travail social dans les années 1970-1980 », réalisé par Pierre Tilly en 2016 à destination des étudiant·e·s de la formation de bachelier « Assistant social ».
[5] Notamment sur l’éducation en milieu ouvert, l’aide aux handicapés, la toxicomanie, la protection de la jeunesse.
[6] Je remercie tout particulièrement Paul Lodewick et Renée Dresse pour leur relecture attentive et leurs réflexions qui ont alimenté la conclusion de cette étude.
[7] Il semble que la collection de l’UCL soit la plus complète. Les numéros manquants sont les premiers numéros parus en 1976 et 1977 ; les n° 2, 4, 7-8 de 1978 ; les n° 12 à 15 de 1979 ; les n° 22, 24 à 30 de 1980 ; les n° 39-40 de 1981 ; les n° 43, 44, 46, 49 et 50 de 1982 ; les n° 57, 58 et 64 de 1983 ; les n° 67 et 69 de 1984. Je lance d’ailleurs un appel à tous les anciens lecteurs et lectrices de La Gazette Parallèle, pour obtenir une copie de ces numéros manquants, voire pour acquérir une collection, même incomplète de La Gazette Parallèle afin d’enrichir les fonds du CARHOP asbl.
[8] « Éditorial », La Gazette Parallèle, n° 9-10, janvier-février 1979.
[9] C’est un thème que nous avons déjà travaillé au CARHOP, notamment en partenariat avec l’asbl Rhizome, dans le cadre d’un projet de collecte de témoignages d’ancien·ne·s éducateurs et éducatrices sur la période 1960-1980. Ce projet a donné lieu à la réalisation de sept capsules vidéo (réalisées avec le soutien technique de la RTA, 2017). URL : http://www.carhop.be/index.php/19-accueil/actualites/180-les-educateurs-temoignent-interviews-realisees-par-josiane-jacoby
[10] Gryspeerdt A., « Les nouveaux courants de la presse francophone en Belgique après mai 1968 : la contre-information régionale/locale et sectorielle », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 845-846, 1979/20, p. 37.
[11] « Pourquoi le travail social ? », Esprit, n° 4-5, avril-mai 1972. À ce sujet, lire : Moriau J., « À quoi sert le travail social ? Trois époques, trois réponses ! », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n°7, septembre 2018 [En ligne], mis en ligne le 05 novembre 2018. URL : http://www.carhop.be/revuescarhop/wp-content/uploads/2018/11/20181029_RD7_Moriau_Jacques.pdf
[12] Interview de Daniel de Beer, réalisée le 19 novembre 2018 à l’Université Saint-Louis (Bruxelles) ; Interview de Françoise de Thier, réalisée par téléphone le 4 décembre 2018. Je les remercie vivement pour leur témoignage. Le fondateur de La Gazette Parallèle, Bernard de Crayencour, a été également contacté mais il n’a toutefois pas souhaité témoigner sur cette histoire.
[13] Devient le Centre de recherches sur la prévention, la guidance et l’action sociale en 1980, puis le Centre d’étude pour la planification et la gestion de l’activité médico-sociale.
[14] de Backer B., « Les éducateurs font le mur », La Revue nouvelle, n° 9, septembre 2002, p. 104.
[15] À la même période, en 1977 et 1978, Daniel de Beer est également membre du Comité de protection de la jeunesse (CPJ) de l’arrondissement judiciaire de Bruxelles. Les CPJ sont des structures auxquelles sont confiées les mesures préventives en matière de protection de la jeunesse, en vertu de la loi de 1965 qui introduit la notion de protection sociale du mineur. Bartholomé J.-P., Vallée G., « La protection de la jeunesse », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1220-1221, 1988/35, p. 3-74.
[16] « Éditorial », La Gazette Parallèle, n° 1, mars 1978.
[17] La revue, à ses débuts, ambitionne même de fournir aux lecteurs une information personnalisée selon des critères définis à partir de « verbaux » ou « mots-clés ». Très vite, le travail se révèle titanesque pour une équipe de rédaction limitée à deux personnes.
[18] Sur le scandale de Saint-Hubert, lire Dupont-Bouchat S., « Le procès d’un système. La fermeture du pénitencier de Saint-Hubert (1954-1956), Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 13, 2011, p. 61-79. [En ligne] URL : https://journals.openedition.org/rhei/3232
[19] Brunin J., L’enfer des gosses, Bruxelles, Éditions Jacques Antoine, 1975.
[20] Sur la mobilisation des éducateurs : Jacoby J., « Quand les éducateurs se mobilisent pour une reconnaissance professionnelle », Analyse en ligne du CARHOP, 2017. [En ligne] URL : https://www.carhop.be/images/2017_mobilisation_educateurs_JJ.pdf. En complément, on peut également visionner la capsule vidéo intitulée « Les éducateurs se mobilisent pour leur métier – années 1970 », réalisée par le CARHOP, en partenariat avec l’asbl Rhizome. [En ligne] URL : https://vimeo.com/235723391
[21] Voir la définition que donne Edwin Goffman de l’institution totale : Goffman E., Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979.
[22] De Backer B., « Les éducateurs font le mur », La Revue nouvelle, n° 9, septembre 2002, p. 107.
[23] Le CARHOP a réalisé en 1994 une exposition sur l’évolution de la protection de l’enfance du 19e siècle à 1991. Cette exposition a désormais son pendant virtuel au sein de la plate-forme numérique « Protéger l’enfance d’hier à aujourd’hui », réalisée en partenariat avec l’UCL. Cette plate-forme numérique est toujours en construction, mais est déjà accessible en ligne, à l’adresse : https://sites.uclouvain.be/proteger-enfance/omeka/
[24] « Tribune libre. François Persoons, secrétaire d’État, membre de l’Exécutif de la Communauté française », La Gazette Parallèle, n° 17-18, janvier 1980.
[25] Cartuyvels Y., « Les grandes étapes de la justice des mineurs en Belgique. Continuité, circularité Ou ruptures ? », Le JdJ, n° 207, septembre 2001, p. 13-33. L’approche peut être complétée par deux lectures : Cartuyvels Y., Christiaens J., de Fraene D., Dumortier E., « La justice des mineurs en Belgique au prisme des sanctions », Déviance et Société, vol. 33 n° 3, septembre 2009, p. 271-293 ; Tulkens F., Moreau T., Droit de la jeunesse. Aide, assistance et protection, Bruxelles, Larcier, 2000.
[26] « Tribune libre », La Gazette Parallèle, n° 11, mars 1979.
[27] « Protection de la jeunesse », La Revue Nouvelle, n° 11, novembre 1977.
[28] Panopticon, Tijdschrift voor Strafrecht, Criminologie en Forensisch welzijnswerk, n° 3 et n° 4, 1980.
[29] Conseil de la jeunesse d’expression française, Le livre blanc de la protection de la jeunesse, Bruxelles, CJEF, 1977.
[30] Repenser la protection de la jeunesse, 1963-1979, Bruxelles, CEDJ, 1979.
[31] Avis de la Ligue belge pour la défense des droits de l’homme, publié dans « Après le Pacte d’Egmont », La Gazette Parallèle, n° 6, octobre 1978.
[32] Cartuyvels Y., « Les grandes étapes de la justice des mineurs en Belgique. Continuité, circularité Ou ruptures ? », Le JdJ, n° 207, septembre 2001, p. 24. Sur la vie en institutions et les mutations de la protection de la jeunesse (de 1960 à 1980), nous vous invitons à visionner la capsule vidéo relatant les témoignages de ces anciens acteurs/actrices du secteur et réalisée en 2017 par le CARHOP et l’asbl Rhizome [En ligne] URL : https://vimeo.com/235334053.
[33] Impe M., « Quelques alternatives au placement institutionnel classique en Belgique », La Gazette Parallèle, n° 3, mai 1978. Il s’agit d’une intervention réalisée lors d’un séminaire international organisé à Louvain-la-Neuve sur « Le placement institutionnel de la jeunesse marginale », par le Centre international de criminologie comparée à Montréal, l’Unité de recherches en criminologie de l’UCL (dont Bernard de Crayencour), le Centre de formation et de recherches de l’éducation surveillée à Vaucresson.
[34] Daniel de Beer témoigne de contacts et d’échanges avec des collègues français à l’occasion de réunions de travail : « On suivait de très près les débats… » explique-t-il. L’influence est là, « inconsciente, dans le sens où on ne s’est jamais dit qu’on se situait par rapport à quelque chose ». A posteriori, il estime : « on n’avait pas les reins assez solides ou l’imagination pour établir plus de réseaux ». Au sujet du développement du milieu ouvert au sein de l’Éducation surveillée : Jurmand J.-P., « Une histoire de milieu ouvert », Les Cahiers dynamiques, n° 40, 2007/1, p. 22-29 [En ligne], mis en ligne le 1er janvier 2010 URL : https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-dynamiques-2007-1.htm-page-22.htm. Pour une histoire de la justice des mineurs en France, nous vous invitons à découvrir le portail « Enfants en Justice XIXe-XXe siècles » : http://enfantsenjustice.fr/?-Portail-
[35] À ce titre, la Gerbe asbl, expérience-pilote à Schaerbeek, fait figure de pionnière. Darville F., « Jacques Pluymaekers : parcours de formateur », Analyse en ligne du CESEP – Pratiques de formation, 2006 [En ligne], mis en ligne en 2006. URL : https://www.cesep.be/index.php/74-publications/analyses/pratiques-de-formation/365-jacques-pluymaekers-parcours-de-formateur
[36] « Tribune libre. Ouvrir l’avenir », La Gazette Parallèle, n° 9-10, janvier-février 1979. L’action en milieu ouvert reçoit une première reconnaissance en février 1981. Les expériences sont subventionnées par l’administration de l’Aide à la jeunesse. L’arrêté de l’Exécutif du 21 décembre 1989, puis le décret sur l’Aide à la jeunesse de 1991, consacrent ce type d’action (AMO). Un décret de 1999 régit les conditions d’agrément et d’octroi de subventions pour ces structures. Sur les AMO, lire : Les Carnets de l’éducateur, XX, : http://www.educ.be/carnets/aaj/amo.pdf. Lire également, Claire Frédéric, « Bon anniversaire fillette (1ère et 2e parties », analyse en ligne du CESEP, 2012. Consultable en ligne https://www.cesep.be/index.php/73-publications/analyses/politiques-publiques/292-bon-anniversaire-fillette; https://www.cesep.be/index.php/73-publications/analyses/politiques-publiques/293-bon-anniversaire-fillette-2ieme-partie
[37] « Milieu ouvert. Les anciens et les nouveaux », La Gazette Parallèle, n°53, décembre 1982.
[38] De Beer D., « Éditorial », La Gazette Parallèle, n° 5, septembre 1978.
[39] L’investigation est même étendue à l’audience publique en France, puis au Québec, dans une perspective comparée. « Tribunal de la jeunesse », La Gazette Parallèle, n° 15, septembre 1979 ; n° 16, octobre-novembre 1979.
[40] Cette chronique des Tribunaux de la jeunesse est réalisée dans le cadre des activités du Département des jeunes FGTB-Liège et publiée dans La Gazette Parallèle, n° 17-18, décembre 1979.
[41] De Beer D., « Éditorial », La Gazette Parallèle, n°5, septembre 1978.
[42] Le Pacte d’Egmont est une réforme négociée en 1977 sur la fédéralisation et les problèmes linguistiques en Belgique. Non appliquée, elle provoque en 1978 la chute du gouvernement Léo Tindemans II (coalition sociale-chrétienne – libérale et Rassemblement wallon).
[43] « Après le Pacte d’Egmont », La Gazette Parallèle, n° 5, septembre 1978 ; « Après le Pacte d’Egmont », La Gazette Parallèle, n° 6, octobre 1978.
[44] « Tribune libre. Michel Hansenne, président de l’Exécutif de la Communauté française », La Gazette Parallèle, n° 16, octobre-novembre 1979.
[45] « Tribune libre. François Persoons, secrétaire d’État, membre de l’Exécutif de la Communauté française », La Gazette Parallèle, n° 17-18, janvier 1980.
[46] De Beer D., « Éditorial », La Gazette Parallèle, n° 5, septembre 1978.
[47] « Initiative importante à Liège pour la réforme de la protection des mineurs délinquants », paru dans Le Soir, 24 février 1978 et dans « Revue de presse », La Gazette Parallèle, n° 3, mai 1978 ; « La question du mois. La défense du jeune au Tribunal de la jeunesse », La Gazette Parallèle, n° 6, octobre 1978.
[48] L’initiative n’est pas au cœur du projet, mais elle est suffisamment régulière pour être signalée. Elle donne à entendre une parole, celle des jeunes, souvent inédite, qui constitue une source pour alimenter une histoire des publics (bénéficiaires) du travail social.
[49] « En guise d’éditorial », La Gazette Parallèle, n° 41, décembre 1981.
[50] Voir par exemple : « Protection de la jeunesse : sortie de secours », La Gazette Parallèle, n° 61-62, août-septembre 1983 ; « Ah les jolies colonies de vacances. Tours et détours d’une jeune mineure », La Gazette Parallèle, n° 73, octobre 1984.
[51] « Maisons d’enfants. Revendications des travailleurs en maisons d’enfants », La Gazette Parallèle, n° 19, février 1980.
[52] En octobre 1979, Daniel de Beer devient avocat, spécialisé en matières pénales, associatives et de droit de la presse au Barreau de Bruxelles (jusque 1994).
[53] De Beer D., « Éditorial », La Gazette Parallèle, n° 9, février 1980.
[54] Le décret de 1991 s’adresse à tous les jeunes en difficulté, à leur famille et à ceux dont les conditions d’éducation sont mises en péril. De nouvelles structures publiques sont mises en place sur le plan communautaire. Les services spécialisés publics ou privés sont coordonnés par la Direction d’administration de l’aide à la jeunesse. La détermination des mesures à l’égard des jeunes délinquants reste du ressort du pouvoir fédéral. Sur l’historique du décret de 1991 et son évaluation, dix ans plus tard, lire : Franssen, A., Cartuyvels, Y., de Coninck, F., Dix ans de décret de l’aide à la jeunesse : des principes aux pratiques. L’aide à la jeunesse à l’épreuve de la (dé)judiciarisation, Liège, Éditions jeunesse et droit, 2003.
[55] Le SMAEI est un service d’éducation permanente qui réalise des formations en « travail social en milieu ouvert », mais aussi une spécialisation, des journées d’étude, des voyages d’étude, des interventions institutionnelles et la formation d’animateurs. Avec la Gerbe, le SMAEI forme les premiers travailleurs en milieu ouvert (1979). Frédéric C., « Bon anniversaire fillette », Analyse du CESEP, 2012 [En ligne] URL : https://www.cesep.be/index.php/73-publications/analyses/politiques-publiques/292-bon-anniversaire-fillette
[56] Éducation santé, n° 21, février 1985.
[57] « L’éducation et la santé », La Gazette Parallèle, n° 52, novembre 1982.
[58] « Éducation sanitaire », La Gazette Parallèle, n° 53, décembre 1982.
[59] « En 1982, deux avant-projets de décret visant à modifier la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse sont préparés, l’un par Philippe Monfils, chargé des Affaires sociales dans l’Exécutif de la Communauté française, l’autre par Rika Steyaert, membre de l’Exécutif de la Communauté flamande, tandis que le ministre de la Justice, Jean Gol, prépare, lui aussi, un avant-projet de loi. Tous ces avant-projets sont soumis à l’avis du Conseil d’État. » Bartholomé J.-P., Vallée G., « La protection de la jeunesse », Courrier hebdomadaire du CRISP, n° 1220-1221, 1988/35, p. 3-74.
[60] Autour du procès du docteur Baudour « pour entretien de toxicomanie », lire « Dossier : toxicomanies », La Gazette Parallèle, n° 56, mars 1983 ; « Méthadone : procès d’une méthode ? », La Gazette Parallèle, n° 59-60, juin-juillet 1983.
[61] « Lettre du 9 octobre 1982 qui annonce des modifications dans l’organisation du journal », La Gazette Parallèle, n° 51, octobre 1982.
[62] Claire Frédéric, « Bon anniversaire fillette », op.cit.
[63] « De la responsabilité d’une revue », octobre 1984 [édition de l’ADIM asbl].
[64] « Editorial », La Gazette Parallèle, n°54, janvier 1983.
[65] « Editorial », La Gazette Parallèle, n°71, juin-juillet 1984.
[66] L’historique de ce conflit d’édition est retracé dans Éducation santé, le bulletin trimestriel d’Infor santé, le bulletin de l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes, en février 1985. Le bulletin publie le jugement du Tribunal de 1ère instance de Bruxelles, à la demande du CPGA. Éducation santé, n° 21, février 1985.
[67] Voir par exemple, l’expérience de l’Entretemps à Bruxelles : « L’Entre-Temps est une structure d’appui aux jeunes, à leurs familles, aux services et aux institutions publiques et privées concernées par une mission éducative, sociale ou thérapeutique destinée à la jeunesse, ainsi qu’à toute personne-ressource légitimement concernée par la situation de ces jeunes en grande difficulté. La prise en charge se veut transversale aux trois secteurs de l’Aide à la Jeunesse, du Handicap et de la Santé mentale. L’Entre-Temps est un service agréé par l’AViQ (Agence pour une Vie de Qualité) en tant que Service d’Aide à l’Intégration. Elle est également reconnue comme Projet Pédagogique Particulier dans le secteur de l’Aide à la Jeunesse et agréé comme Service d’Accompagnement par la COCOF. » http://www.lentretemps.be/
[68] Lire à ce sujet, le dossier de la RHEI, réalisé à partir de la parole des jeunes, recueillie dans des dossiers d’enfants placés : « Paroles libres, paroles captives », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », n°11, 2009, https://journals.openedition.org/rhei/3044
[69] En 1982, La Gazette Parallèle publie un dossier sur les CPAS. On peut y trouver un commentaire de la loi du 8 juillet 1976 sur les CPAS, des descriptions de situations de personnes qui luttent pour leur survie, ainsi que des analyses de pratique de sept CPAS. « Visite guidée des CPAS », La Gazette Parallèle, n°51, octobre 1982. En 1983, la Gazette Parallèle réalise un focus sur les travailleurs sociaux au CPAS de Seraing. « Dossier : CPAS », La Gazette Parallèle, n°59-60, juin-juillet 1983.
[70] « Tribune libre par des membres du comité du GERM », La Gazette Parallèle, n°53, décembre 1982.
[71] « Centres PMS : mission impossible ? », La Gazette Parallèle, n°70, mai 1984
[72] Sur le centre de santé mentale dépendant du CPAS de Charleroi, lire « Santé mentale, une sorte d’écologie humaine », La Gazette Parallèle, n°56, mars 1983.
[73] On note, par exemple, le long témoignage de Marie-Thérèse Steffens, éducatrice dans un foyer de jeunes travailleurs qui note son désarroi face à la question : comment trouver un emploi à ces jeunes ? « Témoignage Pouce ! Je ne colle plus », La Gazette Parallèle, n°47-48, juin-juillet 1982.
[74] «Milieu ouvert. Neufchâteau : être animateur de rue », La Gazette Parallèle, n°54, janvier 1983.
[75] « Aides familiales », La Gazette Parallèle, n°68, mars 1964.
POUR CITER CET ARTICLE
Référence électronique
Machiels C., « [Cahier spécial] La Gazette Parallèle (1976-1984). Une source pour l’histoire du travail social. », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n°8 , décembre 2018 [En ligne], mis en ligne le 21 décembre 2018. URL : http://www.carhop.be/revuescarhop/