Marie-Thérèse Coenen (historienne au CARHOP asbl)
Les premières écoles de devoirs voient le jour à Bruxelles en 1973. Elles sont souvent liées à des initiatives locales situées dans des quartiers défavorisés de la capitale où se concentre une population immigrée appartenant à diverses communautés italienne, espagnole, marocaine, turque. L’école de devoirs est rarement la seule activité proposée. Elle s’adosse à des centres de santé mentale, des services d’aide aux jeunes, des ateliers créatifs ou d’animation à destination des enfants. Elles n’ont pas pour seul objectif la réussite scolaire, elles visent un projet pédagogique alternatif à l’école obligatoire en se démarquant des heures d’études surveillées, souvent payantes, organisées au sein des écoles.
Chaque école de devoirs est singulière dans son origine et dans son organisation, mais quasi toutes, surtout dans les années pionnières, fonctionnent sur base du volontariat : des étudiants y consacrent une part de leurs loisirs ou y réalisent leur stage, et des adultes, actifs ou retraités, donnent de leur temps. À partir de 1980, un basculement s’opère avec une diversification des équipes pédagogiques où des animateurs et animatrices bénévoles côtoient des salariés, des contractuels temporaires (cadres spéciaux temporaires), des objecteurs de conscience et des stagiaires. Vu l’évolution des statuts de travail au sein des collaborateurs et collaboratrices, des tensions peuvent apparaître entre les « permanents salariés » (adhésion au projet, temps de travail, précarité des contrats, etc.) et les autres, les « militants et militantes » qui ont investi, parfois depuis des années, dans le soutien à la scolarité des enfants. Les stagiaires se retrouvent parfois impliqués dans ces rapports de légitimité et leurs travaux en gardent la trace.
Beaucoup d’écoles de devoirs, même celles qui ont traversé ces cinquante années d’existence, ont une connaissance relativement partielle de leurs origines. Aujourd’hui, les fondateurs disparaissent et, avec eux, leurs souvenirs, mais si certains ont abondamment témoigné comme Pierre Massart, leurs récits ne sont pas exempts d’approximations, d’oublis. La consultation des archives reste nécessaire pour comprendre l’origine du projet, sa finalité, les acteurs en présence, le public visé, les succès, les difficultés, le contexte sociopolitique, l’insertion dans le tissu associatif local, etc. Le caractère spontané et militant de ces initiatives locales rend la conservation de leurs archives aléatoire et leur consultation difficile. Souvent, le projet initial a évolué. Il s’est donné des statuts d’ASBL, ce qui permet une reconnaissance et un subventionnement public (au niveau local, régional ou communautaire). Cette institutionnalisation a obligé les écoles de devoirs à produire des bilans, des rapports d’activités et de nombreuses traces de l’action menée, mais cela ne comble pas nécessairement toutes les lacunes.
Les écoles de devoirs ont accueilli dès le début du mouvement des stagiaires de deuxième et troisième année des écoles d’assistants sociaux. Ils ont souvent été un soutien qui a rendu l’école de devoirs possible (permanence, accueil des enfants, réflexion pédagogique, etc.), et, aujourd’hui encore, ils viennent régulièrement renforcer les équipes pédagogiques. Certains consacrent leur travail de fin d’études à cette expérience, travaux qui deviennent, quelque cinquante années plus tard, une source d’informations quand il s’agit de retracer l’histoire d’une école de devoirs, surtout quand celle-ci a disparu et, avec elle, les traces de son activité. Les mémoires constituent donc une piste intéressante à investiguer même si le genre se prête à une analyse critique de la part du chercheur ou de la chercheuse qui les consulte. Que nous disent-ils sur les écoles de devoirs ? Comment appréhender ces textes ? Sont-ils une pièce à verser comme matériau d’analyse pour contribuer à l’histoire des écoles de devoirs et mieux comprendre le mouvement dans sa diversité et sa complexité ?
Un repérage dans les collections
Les écoles de formation en travail social n’ont pas toutes adopté la même stratégie en matière de conservation des travaux de fin d’études. En 2007, l’Institut supérieur de formation sociale et de communication (ISFSC-Haute école ICHEC-ECAM-ISFSC)[1] versait au CARHOP sa collection de mémoires[2]. Les mémoires de l’École ouvrière supérieure, aujourd’hui Haute école libre de Bruxelles Ilya Prigogine, sont consultables à la bibliothèque de l’Institut Émile Vandervelde (IEV). L’Institut d’enseignement supérieur social, de l’information et de la documentation (IESSID-Haute école Bruxelles-Brabant HE2B) conserve ses mémoires, ils sont accessibles à la bibliothèque. Son thesaurus reprend le sujet « école de devoirs ». Pour les autres écoles sociales, elles gardent leurs mémoires sur un site, mais la recherche est plus complexe et ne se fait qu’à partir des mots du titre… ce qui ne permet pas de repérer les travaux qui n’ont pas explicitement mentionné « école de devoirs » dans le titre. Cette recherche à partir des catalogues en ligne des écoles sociales francophones a permis de repérer environ quarante titres contenant les mots « école de devoirs » ou répondant à ce sujet[3].
Ces collections ne sont pas complètes. Certains mémoires manquent à l’appel, par exemple celui de Danielle De Crom[4], consacré au CASI , qui devrait se trouver à l’IESSID. Parfois, un ouvrage fait référence et publie un extrait d’un mémoire portant sur un stage en école de devoirs : c’est le cas du mémoire de Myriam Uytdenbroek, stagiaire à Rasquinet[5]. D’autres sans doute réapparaîtront au hasard des recherches futures.
Notre option : un corpus restreint (1976 à 1985)
Notre projet est d’aborder l’histoire des écoles de devoirs à partir de quelques pionniers et pionnières et de retracer l’expérience du premier Comité de liaison des écoles de devoirs au sein du mouvement Hypothèse d’école. C’est pourquoi notre échantillon se limite aux mémoires portant sur la période pionnière de 1973 à 1985[6] ce qui représente, dans l’état de nos recherches, neuf travaux de fin d’études. Ce corpus est complété par le mémoire d’André Demarque[7], présenté en 1979 à la Faculté ouverte en politique économique et sociale (FOPES-UCL). L’auteur a créé à Molenbeek une école de devoirs qui fonctionne de 1974 à 1977. Son mémoire est devenu une référence pour les équipes pédagogiques et est souvent mobilisé par les stagiaires. Réalisant une enquête auprès des écoles de devoirs, il publie deux dossiers qui font partie à cette époque des outils pédagogiques de l’animateur et de l’animatrice en école de devoirs.
Les mémoires qui portent sur la période au-delà de 1985 s’inscrivent dans la temporalité du stage et reflètent les enjeux du secteur à ce moment. Ils sont utiles pour retracer l’évolution des écoles de devoirs, leurs reconnaissances, les effets de celles-ci sur l’organisation et la « durabilité » des projets. Néanmoins, le propos reste tributaire des objectifs poursuivis par l’étudiant.e et de la manière de les traiter. Ces travaux de fin d’études en travail social peuvent être utilement complétés par les mémoires des étudiant.e.s de la FOPES et de la Faculté ouverte pour enseignants, éducateurs et formateurs des adultes (FOPA-UCL). Ces facultés ouvertes, créées pour la première en 1974 et pour la seconde en 1981, s’adressent à des adultes engagés dans la société. Plusieurs sont coordinateur.trice.s ou animateur.trice.s en école de devoirs (EDD) et traitent dans leur mémoire de licence (master), en fonction de la filière choisie, les questionnements et les problématiques existant au sein des équipes des écoles de devoirs ou abordent le volet pédagogique du « rattrapage scolaire » à l’œuvre au sein des EDD.
Les stagiaires : une présence utile et nécessaire
Dès 1974, la plupart des écoles de devoirs accueillent des étudiant.e.s d’école sociale, des éducateurs et éducatrices, voire de futurs instituteurs et institutrices…, qui se « frottent » aux problématiques spécifiques d’apprentissage des enfants d’origine immigrée. Ces stagiaires sont souvent un appoint indispensable pour assurer les permanences de l’école de devoirs. Comme le remarque Patricia Gérimont, « … beaucoup d’assistants sociaux, insatisfaits du travail social individuel, cherchent de nouvelles formes d’action sociale moins palliatives. C’est pourquoi bon nombre s’engagent comme stagiaires dans les EDD. Ils en deviendront souvent par la suite les permanents grâce à des contrats CST, TCT… »[8].
Les archives, déposées par Rosa Collet au CARHOP, conservent la liste des noms des stagiaires qui sont venus la seconder à l’école de devoirs de la Maison de quartier des Quais et à l’école des devoirs du Béguinage. Chaque année, elle y reçoit un ou deux stagiaires pour renforcer le noyau de base des bénévoles, ce qui lui permet d’élargir la qualité de l’offre et l’accueil des enfants. Ce soutien est indispensable et les évaluations sont souvent positives, mais le problème récurrent est la précarité de ce type de fonctionnement. Au bout d’une année, le ou la stagiaire quitte l’association et le travail d’accompagnement est à recommencer avec un ou une autre candidat.e. Tous et toutes ne partagent pas nécessairement la même adhésion au projet ou à l’approche pédagogique ce qui peut devenir source de tension dont les archives gardent la trace.
La lecture des mémoires nous donne à voir des étudiant.e.s fortement investis dans les projets. Parfois ils et elles y consacrent leur stage de deuxième et troisième année pour poursuivre une démarche entreprise et atteindre leurs objectifs. Certain.e.s participent à la réalisation d’outils pédagogiques[9]. Quelques-un.e.s deviennent membres fondateurs de l’ASBL quand elle se crée. C’est le cas de Houssini El Chaibi[10] qui participe à la création de la Maison de quartier des Quais asbl (centre de Bruxelles) lors de son stage en 1974-1975 ou d’Anne Depoorter, membre et élue vice-présidente de L’Atelier des enfants asbl, à Saint-Josse[11]. D’autres conjuguent service civil et stage et assurent ainsi une continuité du fonctionnement de l’école de devoirs sur plusieurs années. En cette période de création et de mise en route de projets, les stagiaires s’y engagent de manière militante.
1976. Le mémoire de Danielle De Crom : un incontournable
Dans le quartier de Cureghem à Anderlecht, la première génération de jeunes formés par le Centre d’action sociale italien-Université ouverte (CASI-UO) lance en 1973, une « après école » une doposcuola, pour répondre aux besoins des petits frères et sœurs. Ils élaborent un projet pédagogique d’émancipation adapté aux enfants. Après une période de tâtonnement, l’école des devoirs prend son envol en 1974-1975. Pour l’année sociale 1975-1976, l’équipe du CASI accueille favorablement la proposition de Danielle De Crom de faire son stage de troisième année d’assistante sociale chez eux. Elle a une formation d’institutrice et a comme mission de réfléchir à la pédagogie à mobiliser pour favoriser un apprentissage actif et participatif et combler les lacunes des enfants, faire du « rattrapage ».
« Le CASI était intéressé par la collaboration que je pouvais apporter du point de vue technique, pédagogique, informatif, qui correspondait à leurs besoins du moment. (…) Ces besoins étaient exprimés sur le plan pédagogique et organisationnel, à savoir multiplier les fiches par thèmes en mathématiques et en français, créer des jeux créatifs, entretenir des relations régulières avec les parents, organiser une réunion d’information sur l’orientation scolaire et collaborer davantage avec les autres groupes du CASI qui s’intègrent dans le projet global. (…) Ma participation au groupe d’animation a été totale : nous discutions ensemble des activités et projets, nous les remettions en question, nous nous contrôlions mutuellement, nous faisions ensemble l’évaluation de nos actions au cours de réunions hebdomadaires et de nos rencontres fréquentes. »[12]
Les problématiques rencontrées lors du stage deviennent la matière d’un mémoire[13] qu’elle a l’opportunité de publier dans la revue Le service social[14]. L’auteure aborde le projet de l’école de devoirs du CASI, ses objectifs, ses premières réalisations, mais n’élude pas les difficultés rencontrées ce qui apporte une information précieuse sur la dynamique à l’œuvre au CASI. Danielle De Crom participe aussi à tous les évènements qui se déroulent pendant son stage, y compris la journée de rencontre du 27 avril 1975.
« Au cours de ma recherche sur les écoles de devoirs, j’ai été amenée à rencontrer des membres de la régionale bruxelloise d’Hypothèse d’école (HE). Ils m’ont informée de l’existence d’un Comité de liaison des écoles de devoirs… J’ai eu l’occasion de participer à ces réunions. Par ce biais, je suis entrée en contact avec les animateurs de dix écoles de devoirs représentées au comité ou intéressées par ses activités au cours de l’année 1975-1976. »[15]
Danielle De Crom participe aux différents groupes de travail. Rassemblant tous les matériaux à sa disposition, elle propose une typologie des écoles de devoirs à partir des présentations de chaque école et des contacts qu’elle a avec les animateurs et animatrices. Son analyse est également publiée dans le numéro de Journal de classe consacré aux écoles de devoirs[16]. Son travail de fin d’études inspire de nombreux stagiaires qui, parfois sans la nommer ou sans mettre les guillemets d’usage, y puisent les informations nécessaires pour retracer l’historique du mouvement des écoles de devoirs tout en contextualisant leur propre situation.
Les TFE[17] : une mine de renseignements
Les mémoires comblent parfois les « blancs » dans les séries de documents (archives, brochures, presses). Ils viennent compléter un manque d’information sur une période donnée. Le mémoire, réalisé par Laurence Castermans et Anne Paulus[18], est à ce titre intéressant.
Outre le fait de réaliser une monographie de l’école de devoirs « El Hijra » devenue plus tard « Hajitkoum », il rend compte, pour l’année 1978-1979, de l’activité du Comité de liaison des écoles de devoirs. Stagiaires à Hypothèse d’école, elles ont comme objectif de relancer sa dynamique. Les informations qu’elles donnent sur le Comité de liaison sont précieuses, leurs commentaires sont sans doute à contextualiser et à traiter avec la même rigueur qu’une autre source.
Outre la présentation du lieu de stage, les TFE donnent un aperçu du contexte dans lequel s’inscrit l’action pédagogique. Le mémoire d’Anne Depoorter[19] illustre bien cette approche. L’école de devoirs est une initiative de la maison de jeunes Le Clou à Saint-Josse qui développe, pour les enfants de moins de 12 ans, deux sections qui s’entrecroisent : l’école de devoirs et l’atelier créatif. Son stage se déroule en 1979-1980 et 1980-1981. Sa référente est Patricia Gérimont, active à Hypothèse d’école et animatrice, à partir de 1980, du Comité de liaison des écoles de devoirs. Son mémoire retrace aussi sa volonté de rencontrer différents partenaires de l’école de devoirs. Anne Depoorter participe au cycle de formation « Écoles & migrations » ainsi qu’à la rédaction de la plateforme de revendication du Comité de liaison des écoles de devoirs.
Elle apporte également un témoignage sur les activités d’Hypothèse d’école des années 1981 et 1982, une période pour laquelle nous avons peu d’éléments. Par contre, la collaboration souhaitée avec les instituteur.trice.s ne se fait pas. Lors des rencontres qu’elle organise, elle découvre une profession désarmée face à des classes surpeuplées, fréquentées par des enfants qui ont des niveaux très variables et des problèmes d’apprentissage quasi insolubles. Certain.e.s sont désabusé.e.s et laissent passer. D’autres font face et cherchent des solutions, sans beaucoup de soutien au sein de l’école. L’étudiante concentre aussi son attention sur l’approche culturelle du milieu des enfants en privilégiant la rencontre avec les parents et rédige des petites monographies sur les familles. Elle évoque le choc culturel entre elle et le milieu. Comme future travailleuse sociale, c’est un apprentissage. Ses analyses des difficultés rencontrées par chaque enfant qu’elle accompagne sont autant d’arrêts sur image sur des habitants d’un quartier du Botanique, à un moment donné, en 1980. Ses annexes publient les projets des enfants dans le cadre de l’atelier créatif : leur journal de bord, la correspondance avec une classe d’enseignement spécial à Malmedy, les carnets de présentation de leur quartier et de leur manière de vivre à Saint-Josse et au Maroc : « Nos maisons », « le Marché du Midi », etc. Ce sont sans doute les seules traces de ces réalisations collectives !
C’est une constante dans les TFE, les enquêtes de terrain, les brochures de références, les tracts et publicités, les statuts sont souvent publiés dans les annexes et sont autant de matériaux pour servir la recherche sur les écoles de devoirs.
Les étudiant.e.s sont souvent des acteurs engagés dans l’école de devoirs. Leurs travaux de fin d’études deviennent un outil d’évaluation de leur intervention, avec de bons et de moins bons résultats, voire des moments de découragement (violence des enfants, vol, manque de respect, rejet et abandon). Ces mémoires montrent aussi la diversité des pouvoirs organisateurs. Si au départ, l’école de devoirs est une initiative militante et associative, des acteurs institutionnels s’investissent rapidement dans leur développement.
Christine Gehenot présente une école de devoirs à Saint-Josse dans le quartier Bériot, fruit d’une initiative conjointe de l’Association pédagogique d’accueil pour jeunes immigrés (APAJI), fondée par Pierre Massart, l’association de quartier Gavroche installée rue de Bériot et la Maison des jeunes 1917. Ils sont rejoints par la Ligue belge pour la défense des droits de l’homme tandis que la Fédération des amis de la morale laïque envoie des animateurs. La commune intervient également avec la Commission consultative des immigrés et le Conseil consultatif des jeunes. Ce montage institutionnel est complexe, mais montre l’intérêt grandissant dans différents milieux de développer des écoles de devoirs. Le mémoire de Christine Gehenot [20]est une fenêtre ouverte sur l’évolution politique, socioculturelle et le tissu associatif d’une commune bruxelloise.
À la demande du CPAS de Saint Gilles, Michel Vanderkam lance une école de devoirs à partir d’un projet pilote de centre d’éducation en milieu ouvert. Ce nouvel acteur institutionnel mobilise les opportunités qui se présentent. D’une part, la nouvelle loi sur les Centres publics d’aide sociale permet de prendre des initiatives de développement communautaire dans le milieu de la prévention des jeunes, et, d’autre part, le gouvernement met en place des plans de résorption du chômage, les cadres spéciaux temporaires (CST), qui viennent renforcer les équipes en place. Les stagiaires participent à un projet plus complexe. Le mémoire sert à évaluer la pertinence et les contraintes rencontrées. Outre l’analyse de son stage, Michel Vanderkam publie de larges extraits d’une évaluation des écoles de devoirs menée et publiée par Hypothèse d’école[21]. À défaut de la retrouver dans les fonds d’archives ou dans les bibliothèques, ce mémoire permet de prendre connaissance des éléments essentiels de l’étude.
En guise de conclusion, un témoignage
Les mémoires de fin d’études sont d’un apport intéressant. Le format est contraint par les règles à suivre. Les étudiant.e.s doivent faire une description de l’institution et retracent leurs expériences. Ils abordent le contexte institutionnel, l’environnement immédiat, les difficultés rencontrées dans la pratique pédagogique, etc. Les stagiaires participent à des initiatives connexes et en rendent compte. Souvent, ils publient des documents qui peuvent se révéler des sources intéressantes et permettent parfois de retrouver un chaînon manquant, d’éclairer une zone d’ombre… dans les archives et les souvenirs. Les mémoires ne remplacent pas la constitution d’un fonds d’archives, mais permettent de manière complémentaire d’apporter des éléments. Certains mémorant.e.s en ont bien conscience et l’expriment dans leurs conclusions.
Pierre Devleeschouwer s’investit pendant trois ans dans un projet qui se définit comme « Aide aux devoirs ». Il s’insère dans un service de première ligne de la commune d’Ixelles « Aide aux jeunes d’Ixelles », situé dans le quartier Sans Souci. Il n’est pas sans bagage puisqu’il a fait l’école normale et étudie à l’école sociale. Il y fait aussi son service civil. À la fin de son parcours, il s’interroge : que m’a apporté mon stage ? Mon travail ?
« J’y ai passé beaucoup d’heures et mon investissement personnel a été très fort… Le travail de tous les jours a été très dur : isolement, manque de moyens, violence, tension au sein de l’équipe. Cependant, je suis toujours persuadé qu’il y a là un travail social de prévention et d’aide très important… Quant au mémoire, il m’a d’abord permis le recul nécessaire sur mon travail, permis d’y voir clair dans la réalité du quartier, des jeunes immigrés, de l’importance du travail préventif… J’ai été tenté de faire une étude plus générale des écoles de devoirs. Mais après réflexion, il m’a semblé plus utile de me faire l’expression d’un cas particulier. Il est important qu’il y ait des traces des pratiques. Il est important qu’il y ait des traces de chacune. C’est une pièce de plus d’un grand puzzle. »[22]
Notes
[1] Haute école située rue de la Poste à Schaerbeek.
[2] Ben Jaffar L, Les mémoires de l’École catholique de service social : une source inédite, Bruxelles, Analyses en ligne du CARHOP, 2007 URL : http://www.carhop.be/images/M%C3%A9moires_Ecole_catholique_L.BEN%20DJAFFAR_2007.pdf
[3] ISFSC (2), IESSID (15), Haute école libre Ilya Prigogine (3), HELHa-Haute école Louvain en Hainaut (10), HELMO-Haute école libre mosane (14), HENALLUX-Haute école de Namur-Liège-Luxembourg (5).
[4] De Crom D., L’école des devoirs : palliatif ou alternative ? Tentative de réponse à partir d’une expérience : le CASI, Bruxelles, Institut supérieur d’études sociales de l’État, 1976. Une analyse de ce mémoire est proposée plus loin dans le texte.
[5] Bredo J., De Mattia A., Fayt E., Uytdenbroek L., Van Eeckhout A., Van Genechten L., Aventures fraternelles … ou chronique de la vie de quartiers dans les années 70-80 à Schaerbeek, Schaerbeek, octobre 2016, p. 66-67.
[6] Castermans L., Paulus A., D’une école de devoirs… aux écoles de devoirs, Bruxelles, Institut supérieur de formation sociale, 1978-1979.
Keyaert M., L’école de devoirs, mission impossible ?, Bruxelles, Institut supérieur de formation sociale, 1983-1984.
Chaibi El Houssine, Expérience réalisée dans le cadre d’une école de devoirs d’un groupe d’action de quartier populaire à Bruxelles, Bruxelles, École ouvrière supérieure, 1976.
Gonzalez-Moran F. L’école de devoirs de la Ligue des familles : deux pas en arrière, trois pas en avant…, Bruxelles, École ouvrière supérieure, 1985.
Steil F., Concrétisation d’un projet de prévention du CPAS de Bruxelles : mise en place d’une deuxième maison de quartier, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1985.
Depoorter A., Des enfants marocains dans un quartier populaire de Bruxelles, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1981.
Gehenot C., Mennig M., Immigration & problèmes sociaux : création d’une école de devoirs dans un quartier de Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1978.
Vanderkam M. et Dechamps Y., Tentatives communautaires dans une action en milieu ouvert au sein d’un CPAS : école de devoirs à Saint-Gilles, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1981.
De Vleeschouwer P., Une école de devoirs en milieu immigré urbain, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1981.
Gérard M., Une école de devoirs, oui, mais pas n’importe comment, Bruxelles, École ouvrière supérieure, 1985.
[7] Demarque A., Société, École, École de devoirs, Louvain-la-Neuve, FOPES-UCL, juin 1979. Le comité d’accompagnement est composé de Robert Franck (directeur), Pierre Massart, Michel Molitor et Geneviève Outers. André Demarque est fondateur de l’école de devoirs, située au n° 4 rue Van Meyel à Molenbeek-Saint-Jean, qui a fonctionné de 1974 à 1977.
[8] Gérimont P., « École de devoirs : un bilan et des perspectives », Échec à l’échec, n° 32, octobre 1985, p. 5.
[9] Laurence Castermans est coauteure d’un outil pédagogique, créé à l’initiative du Centre pédagogique de Schaerbeek (HE) avec la collaboration du Groupe d’animation des Marolles. Tassin M., Marthe C., Dumortier N., Castermans L., Et si vous étiez à l’école à Ankara, Rabat, Rome, Madrid ? Une description des langues parlées, turque, arabe, berbère, italienne et espagnole. Des propositions d’exercices se rapportant aux difficultés occasionnées aux enfants émigrés par les différences entre ces langues et le français, de la phonétique, Bruxelles, Ministère de l’Éducation nationale et de la Culture française, Direction générale de l’organisation des études, 1980. [Programme de recherche-action consacré à l’information et à la formation d’enseignants accueillant des enfants de travailleurs migrants dans l’agglomération de Bruxelles].
[10] Carhop, fonds Rosa Collet, n° 92, statuts de la Maison de quartier des Quais.
[11] Depoorter A., Des enfants marocains dans un quartier populaire de Bruxelles, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’État, 1981. Annexes : Statuts. Elle publie une synthèse : Depoorter A., « Les enfants marocains dans un quartier populaire de Bruxelles. Objectifs de l’école de devoirs », Le service social, n° 6, 1982, p. 284-295.
[12] De Crom D., « L’école de devoirs, palliatif ou alternative », Le service social, n° 2, 1977, p. 117 et 128.
[13] De Crom D., « L’école des devoirs : palliatif ou alternative ? Tentative de réponse à partir d’une expérience : le CASI », Bruxelles, Institut supérieur d’études sociales de l’État, 1976.
[14] De Crom D., « L’école de devoirs, palliatif ou alternative », Le service social, n° 2, 1977, p. 88-144.
[15] De Crom D., « L’école de devoirs, palliatif ou alternative », Le service social, n° 2, 1977, p. 98.
[16] De Crom D., « L’école de devoirs, palliatif ou alternative », Le service social, n° 2, 1977, p. 100-101 ; Journal de classe, n° 10, mai-juin 1978, p. 4-6.
[17] Travaux de fin d’études.
[18] Casterman L., Paulus A., « D’une école de devoirs…aux écoles de devoirs », Bruxelles, Institut supérieur de formation sociale, 1978-1979.
[19] Depoorter A., Des enfants marocains dans un quartier populaire de Bruxelles…
[20] Gehenot Ch., Immigration & problèmes sociaux : création d’une école de devoirs dans un quartier de Saint-Josse-ten-Noode, Bruxelles, Institut supérieur de l’enseignement social de l’État, 1978.
[21] Vanderkam M., Tentatives communautaires dans une action en milieu ouvert au sein d’un CPAS : école des devoirs à Saint-Gilles, Bruxelles, Institut d’enseignement supérieur social de l’information et de la documentation, 1981.
[22] Devleeschouwer P., Une école de devoirs en milieu immigré urbain, Bruxelles, ISESE, 1981, p. 78-79. Il apporte sa contribution au numéro de l’Agenda culturel consacré à l’école et l’immigration. Devleeschouwer P., « De l’échec de beaucoup à la réussite de tous. Le point de vue suspect des écoles de devoirs », Agenda culturel, n° 79-80, 1989, p. 44-45.
POUR CITER CET ARTICLE
Référence électronique
Coenen M.-T., « Les stagiaires & leurs mémoires : un certain regard sur les écoles de devoirs », Dynamiques. Histoire sociale en revue, n°13, décembre 2020, mis en ligne le 07 janvier 2021, URL : https://www.carhop.be/revuescarhop/