Véronique De Baets (Institut pour l’égalité des femmes et des hommes)
L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes a été créé par la loi du 16 décembre 2002 et reprend les missions menées de 1993 à 2002 par la Direction de l’égalité des chances du SPF Emploi, Travail et Concertation sociale concernant la mise en œuvre du suivi de la politique d’égalité des chances entre hommes et femmes au niveau fédéral belge. Cette Direction était issue de la fusion intervenue en 1993 entre le Secrétariat de la Commission du Travail des Femmes, première cellule administrative créée en 1974 et dont la compétence se limitait à la position des femmes sur le marché du travail, le Service de l’Émancipation sociale fondé en 1985 au sein du Ministère de la Santé publique et de l’Environnement et chargé de l’exécution de la politique d’émancipation sociale en général.
Il y a 50 ans, quelques 3 000 ouvrières s’opposent avec force à des conditions de travail inhumaines ainsi qu’à des inégalités de salaire par rapport à leurs collègues masculins. Ces femmes déterminées arrêtent le travail durant douze longues semaines. Leur détermination fait tache d’huile : la contestation s’étend bientôt à d’autres entreprises puis à l’étranger : en France, en Italie, aux Pays-Bas, en Allemagne. Le slogan À travail égal, salaire égal est décliné dans toutes les langues. Si le résultat de la grève de la Fabrique nationale d’armes de Herstal (FN) n’a pas été une victoire totale, les ouvrières n’obtenant que la moitié de l’augmentation salariale demandée, elle aura le mérite de provoquer une prise de conscience tant au sein des syndicats que dans le monde politique. D’autres mouvements de contestations, d’autres grèves seront nécessaires pour obtenir des avancées significatives, de nouveaux droits… Aujourd’hui, le principe de l’égalité salariale est inscrit dans de nombreux textes légaux internationaux et belge. En 2012, la Belgique a d’ailleurs adopté une nouvelle loi relative à l’égalité salariale sur laquelle nous reviendrons.
Evolution du taux d’emploi des femmes et de l’écart salarial
Ces dernières décennies, les femmes ont massivement investi le marché du travail. Leur taux d’emploi est en effet passé, en Belgique, de 50 % en 1997 à 56 % en 2000 puis à 63 % en 2015. Il est néanmoins inférieur à la moyenne européenne (64.3 %). En parallèle l’emploi des hommes est resté relativement stable avec une légère diminution suite à la crise de 2008. Il s’élevait en 2015 à 71.3 % contre 75.9 % de moyenne européenne[1]. L’augmentation du taux d’emploi des femmes est un défi majeur que notre pays doit relever s’il veut atteindre (ou approcher) les objectifs fixés par la Stratégie EU 2020 en matière d’emploi[2]. C’est aussi une condition pour retrouver le chemin de la croissance. Enfin, renforcer la présence des femmes sur le marché du travail est indispensable pour leur permettre d’être indépendantes économiquement et ainsi réaliser l’égalité de genre. Cette augmentation du taux d’emploi des femmes ne peut néanmoins pas se faire à n’importe quel prix. En effet, certains États membres qui connaissent des taux d’emploi des femmes parmi les plus élevés de l’Union européenne[3], comptent également les taux d’écart salarial les plus élevés. C’est le cas de l’Autriche (23 %), de l’Allemagne (21.6 %), du Royaume-Uni (19.7 %) du Danemark (16.4 %) ou des Pays-Bas (16 %)[4].
Le rapport 2016 de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) sur l’écart salarial montre qu’en Belgique, l’écart salarial ne s’élevait plus, en 2013, qu’à 8 %. Il s’agit d’un écart salarial calculé sur base horaire. Autrement dit, une femme gagne 8 % de moins qu’un homme de l’heure. La bonne nouvelle est que cet écart calculé sur base horaire est bien moins élevé que la moyenne européenne (16.2 %) et qu’il est en constante diminution : il s’élevait en effet à 17 % en 1999. Plusieurs études font l’analyse que notre système de négociation des salaires, très centralisé, est un des facteurs qui favorisent un faible écart de salaire entre hommes et femmes. Mais attention, ce chiffre qui a le mérite de permettre la comparaison notamment au niveau européen, ne dit pas tout. Il ne prend notamment pas en compte les avantages extra-légaux. Le rapport de l’Institut montre ainsi que les femmes bénéficient nettement moins de ces avantages perçus en sus du salaire. C’est le cas par exemple des pensions complémentaires payées par certains employeurs : les travailleuses ne seraient que 9 % à en bénéficier contre 12 % des travailleurs. C’est également le cas de l’indemnité trajet domicile/travail qui serait 14 % moins élevée pour les femmes.