L’école des devoirs du CASI-UO, une activité seconde mais pas secondaire

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Julien Tondeur (historien, CARHOP asbl)

C’est dans la commune bruxelloise d’Anderlecht que débute, il y a cinquante ans, l’aventure du Centre d’action sociale Italien-Université ouvrière, plus généralement appelé par son acronyme CASI-UO ou tout simplement « le CASI ».[1] Aujourd’hui association d’éducation permanente, centre culturel et école de devoir (EDD), le CASI-UO est lancé en 1970 par une petite équipe militante italienne venue poursuivre ses études en Belgique à la fin des années 1960. Leur souhait est de favoriser l’émancipation culturelle des travailleurs et travailleuses immigré.e.s, principalement en provenance d’Italie. Dans le sillage de l’Université ouvrière[2], à destination des jeunes adultes, le CASI-UO crée dès 1973 une école des devoirs. Si elle initie cette démarche, c’est parce que l’équipe du CASI prend conscience que l’école reproduit les rapports de domination ainsi que les inégalités sociales et de classe présents dans la société. De l’avis de l’équipe, les jeunes issu.e.s de l’immigration en sont les premières victimes. Le cinquantième anniversaire du CASI-UO représente aujourd’hui une belle opportunité pour demander à Teresa Butera, actuelle directrice de l’association, et elle-même issue du parcours de formation interne au CASI, de jeter un regard dans le rétroviseur et de nous parler du passé, de l’évolution mais également du futur de l’école des devoirs. Son récit est complété, pour la période récente, par celui de Giulio Iacovone, actuel responsable de l’école des devoirs.

Les débuts de la « doposcuela » anderlechtoise

    • L’arrivée de Teresa

Aujourd’hui, aborder l’histoire du CASI-UO, c’est inévitablement raconter aussi celle de Teresa. Notre interlocutrice débarque au milieu des années 1970 en Belgique. Elle ne se rappelle pas exactement la date parce que, dit-elle, « ça a été vraiment un déchirement assez profond et je ne veux plus me souvenir de tout cela. Je n’étais pas contente d’être là »[3]. Comme beaucoup d’immigré.e.s en provenance d’Italie qui atterrissent à Bruxelles, elle se retrouve à Cureghem. Quartier historique de l’est de la commune d’Anderlecht, physiquement coincé entre le canal de Bruxelles-Charleroi et les cinémas pornographiques qui jouxtent la gare du Midi, Cureghem a, de l’avis de Teresa, l’allure d’un ghetto. Par sa position et son passé industriel, Cureghem possède une tradition d’accueil des populations immigrées. Sur une superficie de moins de deux kilomètres carrés, de nombreuses nationalités, italienne, grecque, turque, espagnole ou marocaine s’y croisent déjà.[4] La communauté italienne y est importante. Dans une analyse publiée en 1978, le CASI-UO décrit le quartier comme « un monde qui pourrait être intéressant, s’il n’était pas le concentré des contradictions et de la rage de tous ces peuples »[5].

La gare de Cureghem, dès la fin du 19eme siècle, représente un point d’entrée sur le quartier pour les populations ouvrières. ABEELS G., Anderlecht en cartes postales anciennes, cinquième édition, Bibliothèque européenne, s.d, Zaltbommel, p.9.

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Les écoles de devoirs : regard d’un sociologue

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Au point de départ de notre demande de contribution à Georges Liénard, il y a la découverte d’un questionnement récurrent qui traverse toute l’histoire du mouvement des écoles de devoirs, très présent à ses débuts, mais qui persiste jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit du rôle des écoles de devoirs dans la promotion sociale des enfants et des jeunes des milieux populaires alors qu’elles sont relativement très nombreuses, qu’elles touchent un petit nombre d’écoliers et écolières et qu’elles n’ont ni les moyens financiers, ni l’outillage pédagogique pour combler les difficultés d’apprentissage de ces mêmes enfants au sein du système scolaire. La deuxième observation porte sur leur légitimité : servent-elles d’alibi quand elles compensent, par un accompagnement personnalisé et proche de l’enfant, le manque de temps et de moyens que l’école obligatoire mobilise pour accompagner chacun et chacune avec son propre cheminement, à son rythme, pour passer le cap de la réussite scolaire ? La troisième interrogation porte sur les relations avec l’institution scolaire. Elles n’ont jamais été faciles. Ces deux mondes se sont-ils finalement accordés ou sont-ils restés des mondes évoluant de manière parallèle, chacun poursuivant ses propres objectifs ?

Respectant nos échanges, Georges Liénard s’est plié à l’exercice. Sa contribution tente d’y répondre. L’auteur met donc le lecteur et la lectrice en garde : cette analyse des écoles de devoirs n’est pas exhaustive, elle tente d’approfondir quelques aspects de leur travail et de les situer dans l’action constructive contre les effets des inégalités socio-culturelles.

Marie-Thérèse Coenen (historienne au CARHOP asbl)

Les écoles de devoirs : actions et défis

Georges Liénard (sociologue FOPES-CIRTES (UCL))[1]

QUESTION 1 : Les écoles de devoirs sont-elles une nécessité, vu le système de sélection sociale et la panne de l’ascenseur social ?

Page de couverture du Journal de classe, n° 3, janvier-février 1977 (CARHOP, fonds Rosa Collet, n° 54).

Dans le système scolaire actuel tel qu’il est et tel qu’il fonctionne malgré les efforts et le dévouement de la grande majorité des enseignant.e.s, les écoles de devoirs[2] sont une nécessité afin de pallier et de faire face – autant que faire se peut – d’une part, aux inégalités de départ des enfants et d’autre part aux inégalités socio-économiques des élèves qui séparent les établissements scolaires entre eux.

Les écoles de devoirs et les inégalités scolaires

Comme des études[3] l’ont montré, les inégalités de départ des enfants dès la maternelle et les années d’école primaire sont corrélées aux niveaux des diplômes des parents, en premier lieu celui de la mère (vu la division actuelle des tâches éducatives), puis celui du père et des grands-parents.

Quant à la répartition des élèves selon les établissements, répartition qui conduit à un renforcement de la ségrégation scolaire, elle est corrélée aux inégalités de trajectoire scolaire des enfants. En effet, il existe une concentration effective des élèves les plus faibles ou les plus forts selon les établissements scolaires. Ce fait est mesuré par l’indice socio-économique des établissements en fonction des caractéristiques socio-économiques des élèves (voir encadré 1).

Comme les conclusions des Indicateurs de l’enseignement 2019[4] le précisent : « la répartition différenciée des élèves en fonction de l’indice socio-économique apparait très tôt dans le parcours scolaire et s’accentue tout au long de la scolarité obligatoire. Cette disparité se marque selon les formes et les degrés d’enseignement lorsqu’ils sont mis en relation avec le niveau socio-économique du secteur (statistique) dans lequel réside l’élève »[5]. Ce type d’analyse a permis de définir les écoles à « discrimination positive » qui reçoivent des moyens humains (sous forme de capital-périodes ou périodes-professeur) et budgétaires (dotations/subventions) supplémentaires.

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1976-1985 : une expérience innovante. Le Comité de liaison des écoles alternatives en milieu populaire

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Marie-Thérèse Coenen (historienne au CARHOP asbl)

La suite concrète de la journée du 27 avril 1975, « Rencontre des écoles alternatives », organisée par le CASI-UO, l’Agence schaerbeekoise d’information et Hypothèse d’école[1], est la naissance d’un Comité de liaison des écoles alternatives en quartiers populaires. Il se réunit à partir de janvier 1976, tous les premiers mercredis du mois, au n° 114 de la rue des Tanneurs à Bruxelles. Geneviève Outers, militante à Hypothèse d’école, en assure l’animation et le suivi. En juin, les rencontres se déplacent au nouveau siège du secrétariat général d’Hypothèse d’école, situé au n° 19, rue des Palais à Schaerbeek.

Une dizaine d’écoles y sont représentées par un.e ou deux délégué.e.s. Les premières rencontres permettent de lister les attentes des « animateurs »[2]. Les sujets ne manquent pas : l’organisation concrète des groupes d’enfants, l’éveil à la conscience politique, le lien avec l’école, avec les instituteurs ou les enseignants, les parents, la télévision et les enfants, les jeux, les rapports entre les différentes cultures, entre les garçons et les filles, etc. Plusieurs demandent des outils pédagogiques. Ils expriment aussi pour eux-mêmes un besoin de formation. De cette efflorescence d’idées, émergent quelques priorités : la connaissance de l’immigration et l’école, l’échec scolaire et la relégation des classes populaires, l’examen de l’utilité des devoirs. L’approche est aussi pragmatique : des fiches pédagogiques pour l’apprentissage de la langue, la mutualisation des outils mobilisés par chacun et chacune, la liste de manuels intéressants à utiliser, les jeux autour du vocabulaire, les exercices de français, de mathématique, etc.

À chaque rencontre, un temps est consacré à la présentation d’une ou deux expériences : l’histoire de ses origines, ses caractéristiques, son public, les objectifs poursuivis, les outils pédagogiques mobilisés. Cet exercice permet de mieux se connaître, mais montre aussi les limites du dispositif. Chaque école a ses propres règles de fonctionnement souvent en lien avec le milieu qui l’a vu naître[3].

Une priorité : l’accompagnement des animateurs et animatrices

Le constat est vite fait que les écoles alternatives se situent dans le registre du rattrapage et de l’aide à la réussite scolaire plutôt que dans la formation à l’action politique et à la critique du système scolaire, mais il apparaît aussi que le problème se situe plutôt du côté des animateurs et animatrices. Pour beaucoup, l’accompagnement des enfants dans la réalisation de leurs devoirs et de l’étude des leçons apparaît comme une mission impossible tant les difficultés sont multiples. Comment arriver à combler les lacunes déjà présentes dès le premier cycle scolaire ? D’un côté, les animateurs et animatrices se sentent peu formé.e.s pour les décoder, les analyser et y remédier. D’un autre côté, ils ont l’ambition de « changer l’école » et d’outiller les enfants à l’analyse critique du système scolaire, mais le temps manque, et les enfants, une fois les devoirs terminés, n’ont qu’une envie, aller jouer. Il y a une distorsion entre l’idéal, la conscientisation politique, et la réalité, les devoirs et les leçons.

Pour les soutenir dans les apprentissages, un groupe de travail élabore des fiches pédagogiques pour l’apprentissage du français. Pour les aider dans l’accompagnement des enfants et des jeunes de milieux populaires, le Comité organise un cycle de formation sur le thème « Les immigrés et l’enseignement » (approche du système scolaire, analyse du milieu, comment combattre la sélectivité scolaire, les enfants et la politique, etc.). Ce cycle se déroule d’octobre 1976 à janvier 1977 et rencontre un grand intérêt. Les intervenants sont des membres d’Hypothèse d’école, mais aussi des membres d’autres initiatives comme le Centre socioculturel des immigrés. La collection Lire l’immigration[4] sert de base à l’analyse. Le cycle sera repris par le groupe des animateurs des écoles de devoirs de Liège et de Verviers qui se met en place. Un atelier, animé par Michelle Tassin de l’école de devoirs des Marolles en décembre 1977, traite des problèmes de langage des enfants immigrés, à l’école primaire et dans les écoles de devoirs. Ce module attire beaucoup de monde, preuve de l’importance des problèmes rencontrés dans les accompagnements des enfants.

Le Comité de liaison discute aussi des finalités d’une école de devoirs. Le risque est de conforter le système scolaire et d’être un palliatif à l’incapacité de l’école de développer une politique d’égalité des chances. Ne devrait-elle pas se concentrer sur les alternatives pédagogiques et viser l’autonomie des enfants et des valeurs comme la collaboration plutôt que la compétition pour la réussite scolaire ou dans la vie ? Finalement, ne faut-il pas plutôt lutter au sein de l’école pour que les pédagogues, dont c’est le métier, aient l’obligation de mener chaque enfant à son rythme le plus loin possible sur le chemin de la réussite ? Le Comité décide de consacrer une nouvelle journée d’étude aux pédagogies de libération comme alternatives aux pédagogies de compensation. En filigrane, c’est la dimension politique des écoles de devoirs qui est interrogée.

15 mai 1977 : La pédagogie de la libération

Programme des journées des 14 et 15 mai 1997, dans Journal de Classe (éditée par Hypothèse d’école), n° 4, mars-avril 1977, p. 2 (CARHOP, fonds Rosa Collet, n° 54).

La deuxième journée de rencontre des écoles alternatives en quartier populaire est consacrée à la pédagogie de la libération. Elle se déroule le 15 mai 1977 à la Maison de quartier des Quais au n° 67, rue d’Ophem à Bruxelles, et a comme partenaire le Groupe d’action Bruxelles-sur-Senne. Sont invités les animateurs d’écoles de devoirs, mais également les moniteurs en alphabétisation, les militants des mouvements d’éducation populaire, les enseignants, etc.[5] La veille, le samedi 14 mai dans l’après-midi, une animation « L’École en folie » est réservée aux enfants fréquentant les écoles de devoirs[6]. Les activités proposées sont multiples : des expositions de dessins d’enfants, des ateliers (créer des dessins pour illustrer les mots, inventer des histoires et les mettre en diapositive), les ombres chinoises, des déguisements, la projection de dessins animés, etc. Rosa Collet[7] et Renée Ponette, animatrice bénévole à l’école de devoirs Rasquinet, dans le quartier Josaphat à Schaerbeek, en sont les chevilles ouvrières.

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Les stagiaires & leurs mémoires : un certain regard sur les écoles de devoirs

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Marie-Thérèse Coenen (historienne au CARHOP asbl)

Les premières écoles de devoirs voient le jour à Bruxelles en 1973. Elles sont souvent liées à des initiatives locales situées dans des quartiers défavorisés de la capitale où se concentre une population immigrée appartenant à diverses communautés italienne, espagnole, marocaine, turque. L’école de devoirs est rarement la seule activité proposée. Elle s’adosse à des centres de santé mentale, des services d’aide aux jeunes, des ateliers créatifs ou d’animation à destination des enfants. Elles n’ont pas pour seul objectif la réussite scolaire, elles visent un projet pédagogique alternatif à l’école obligatoire en se démarquant des heures d’études surveillées, souvent payantes, organisées au sein des écoles.

Chaque école de devoirs est singulière dans son origine et dans son organisation, mais quasi toutes, surtout dans les années pionnières, fonctionnent sur base du volontariat : des étudiants y consacrent une part de leurs loisirs ou y réalisent leur stage, et des adultes, actifs ou retraités, donnent de leur temps. À partir de 1980, un basculement s’opère avec une diversification des équipes pédagogiques où des animateurs et animatrices bénévoles côtoient des salariés, des contractuels temporaires (cadres spéciaux temporaires), des objecteurs de conscience et des stagiaires. Vu l’évolution des statuts de travail au sein des collaborateurs et collaboratrices, des tensions peuvent apparaître entre les « permanents salariés » (adhésion au projet, temps de travail, précarité des contrats, etc.) et les autres, les « militants et militantes » qui ont investi, parfois depuis des années, dans le soutien à la scolarité des enfants. Les stagiaires se retrouvent parfois impliqués dans ces rapports de légitimité et leurs travaux en gardent la trace.

Beaucoup d’écoles de devoirs, même celles qui ont traversé ces cinquante années d’existence, ont une connaissance relativement partielle de leurs origines. Aujourd’hui, les fondateurs disparaissent et, avec eux, leurs souvenirs, mais si certains ont abondamment témoigné comme Pierre Massart, leurs récits ne sont pas exempts d’approximations, d’oublis. La consultation des archives reste nécessaire pour comprendre l’origine du projet, sa finalité, les acteurs en présence, le public visé, les succès, les difficultés, le contexte sociopolitique, l’insertion dans le tissu associatif local, etc. Le caractère spontané et militant de ces initiatives locales rend la conservation de leurs archives aléatoire et leur consultation difficile. Souvent, le projet initial a évolué. Il s’est donné des statuts d’ASBL, ce qui permet une reconnaissance et un subventionnement public (au niveau local, régional ou communautaire). Cette institutionnalisation a obligé les écoles de devoirs à produire des bilans, des rapports d’activités et de nombreuses traces de l’action menée, mais cela ne comble pas nécessairement toutes les lacunes.

Les écoles de devoirs ont accueilli dès le début du mouvement des stagiaires de deuxième et troisième année des écoles d’assistants sociaux. Ils ont souvent été un soutien qui a rendu l’école de devoirs possible (permanence, accueil des enfants, réflexion pédagogique, etc.), et, aujourd’hui encore, ils viennent régulièrement renforcer les équipes pédagogiques. Certains consacrent leur travail de fin d’études à cette expérience, travaux qui deviennent, quelque cinquante années plus tard, une source d’informations quand il s’agit de retracer l’histoire d’une école de devoirs, surtout quand celle-ci a disparu et, avec elle, les traces de son activité. Les mémoires constituent donc une piste intéressante à investiguer même si le genre se prête à une analyse critique de la part du chercheur ou de la chercheuse qui les consulte. Que nous disent-ils sur les écoles de devoirs ? Comment appréhender ces textes ? Sont-ils une pièce à verser comme matériau d’analyse pour contribuer à l’histoire des écoles de devoirs et mieux comprendre le mouvement dans sa diversité et sa complexité ?

Un repérage dans les collections

Les écoles de formation en travail social n’ont pas toutes adopté la même stratégie en matière de conservation des travaux de fin d’études. En 2007, l’Institut supérieur de formation sociale et de communication (ISFSC-Haute école ICHEC-ECAM-ISFSC)[1] versait au CARHOP sa collection de mémoires[2]. Les mémoires de l’École ouvrière supérieure, aujourd’hui Haute école libre de Bruxelles Ilya Prigogine, sont consultables à la bibliothèque de l’Institut Émile Vandervelde (IEV). L’Institut d’enseignement supérieur social, de l’information et de la documentation (IESSID-Haute école Bruxelles-Brabant HE2B) conserve ses mémoires, ils sont accessibles à la bibliothèque. Son thesaurus reprend le sujet « école de devoirs ». Pour les autres écoles sociales, elles gardent leurs mémoires sur un site, mais la recherche est plus complexe et ne se fait qu’à partir des mots du titre… ce qui ne permet pas de repérer les travaux qui n’ont pas explicitement mentionné « école de devoirs » dans le titre. Cette recherche à partir des catalogues en ligne des écoles sociales francophones a permis de repérer environ quarante titres contenant les mots « école de devoirs » ou répondant à ce sujet[3].

Ces collections ne sont pas complètes. Certains mémoires manquent à l’appel, par exemple celui de Danielle De Crom[4], consacré au CASI , qui devrait se trouver à l’IESSID. Parfois, un ouvrage fait référence et publie un extrait d’un mémoire portant sur un stage en école de devoirs : c’est le cas du mémoire de Myriam Uytdenbroek, stagiaire à Rasquinet[5]. D’autres sans doute réapparaîtront au hasard des recherches futures.

Notre option : un corpus restreint (1976 à 1985)

Notre projet est d’aborder l’histoire des écoles de devoirs à partir de quelques pionniers et pionnières et de retracer l’expérience du premier Comité de liaison des écoles de devoirs au sein du mouvement Hypothèse d’école. C’est pourquoi notre échantillon se limite aux mémoires portant sur la période pionnière de 1973 à 1985[6] ce qui représente, dans l’état de nos recherches, neuf travaux de fin d’études. Ce corpus est complété par le mémoire d’André Demarque[7], présenté en 1979 à la Faculté ouverte en politique économique et sociale (FOPES-UCL). L’auteur a créé à Molenbeek une école de devoirs qui fonctionne de 1974 à 1977. Son mémoire est devenu une référence pour les équipes pédagogiques et est souvent mobilisé par les stagiaires. Réalisant une enquête auprès des écoles de devoirs, il publie deux dossiers qui font partie à cette époque des outils pédagogiques de l’animateur et de l’animatrice en école de devoirs.

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Les écoles de devoirs, des archives à découvrir pour une histoire à écrire

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Camille Vanbersy (historienne et archiviste au CARHOP asbl)

Comme les différents articles de ce numéro de Dynamiques. Histoire sociale en revue ont déjà pu le mettre en lumière, les écoles de devoirs constituent un champ d’étude et de recherche important et encore à explorer. Pour tout qui s’intéresse à cette thématique, les archives et collections conservées au CARHOP sont une source précieuse.

La période chronologique couverte par les différents articles de ce numéro s’étend de 1973 à 1985, tout en s’ouvrant aux problématiques contemporaines grâce aux témoignages qui seront présentés dans le prochain numéro de février 2021. Les archives conservées au CARHOP éclairent en effet principalement cette période de naissance des mouvements mais peuvent également renseigner sur l’évolution que connaissent les écoles de devoirs par la suite. À titre d’exemple, les archives déposées par la Jeunesse maghrébine asbl conservent différents documents de type administratif : rapports, programmes d’activités, de stages, formations des animateurs, préparation de colloque… rassemblés dans le cadre de la Coordination des écoles de devoirs de Bruxelles asbl (CEDD)[1].

La plus belle porte d’entrée pour cette thématique se trouve au sein des archives de militant.e.s et plus particulièrement dans le fonds d’archives Rosa Collet. Ce fonds d’une grande richesse, et déjà présenté en détail par ailleurs, témoigne des multiples facettes de l’action de Rosa Collet au sein du mouvement chrétien bruxellois et plus particulièrement de ses actions envers les plus jeunes. Les documents présents permettent de cerner dans les détails la vie quotidienne et les grands enjeux qui traversent les vécus de ces écoles comme en témoigne l’article de Marie-Thérèse Coenen. Ce fonds constitue malheureusement une exception, et les traces des écoles de devoirs se font plus ténues dans les papiers d’autres militant.e.s. Cependant, la réalisation de ce numéro a également permis d’enrichir les collections du CARHOP par l’apport de documents d’archives de la part des intervenants, des témoins et des acteurs sollicités pour la réalisation des différents articles. Jos Palange, actif au sein d’Hypothèse d’école a déposé, après que ceux-ci aient nourri la rédaction de l’article, brochure, procès-verbaux de réunions, exemplaires de périodiques… Espérons que ce numéro donne l’envie à d’autres d’en faire autant et permette de sauver la mémoire de ces initiatives[2] !

D’autres fonds de militant.e.s, tels les documents d’André Louvet[3], conservent également quelques exemplaires de brochures ou de périodiques liés aux écoles de devoirs et à Hypothèse d’école. Ces revues rendent compte tout à la fois des réflexions, des questionnements de ces institutions et des activités menées par les écoles.

Afin de trouver les appuis, qu’ils soient logistiques, humains, financiers…, nécessaires à la réalisation de leurs missions, les écoles de devoirs s’adossent parfois à d’autres institutions plus grandes et bénéficiant de reconnaissance. Dès lors, les fonds de ces structures étant plus systématiquement conservés[4], les traces des écoles de devoirs se font plus nombreuses. Remarquons cependant que celles-ci donnent une image plus administrative et factuelle des réalités : rapports d’activité, procès-verbaux de réunions…, mais peu de réalisations d’enfants contrairement aux archives récoltées par Rosa Collet par exemple. De plus, les fonds d’organisations tels que le Mouvement ouvrier chrétien (MOC) ou Vie féminine permettent également d’ouvrir des fenêtres plus ou moins larges sur leur vécu et d’élargir à d’autres perspectives géographiques là où les papiers de militant.e.s précédemment mentionné.e.s s’intéressent principalement à la Région bruxelloise. La réalité namuroise est effleurée au travers des archives de Vie féminine et du MOC de Namur. Le CIEP[5] de l’arrondissement de Namur a, à titre d’exemple, publié en 1984 une étude intitulée Quartier et société se voulant une « réflexion issue de la pratique d’une école de devoirs et de différentes activités avec des enfants du quartier Saint-Nicolas à Namur »[6]. Ce travail donne à voir les conditions dans lesquelles travaille l’école de devoirs et les questions qui traversent le travail avec les enfants : stimulation, langage… Ces quelques informations seront grandement complétées par la consultation des archives aujourd’hui encore conservées dans les locaux du CIEP de Namur.

Les archives du MOC de Tournai témoignent de l’action de celui-ci dans la dynamique des écoles de devoirs avec notamment l’organisation, avec Jeunesse et Santé[7] et des animateurs du CIEP, d’une école à Tournai.

Affiche annonçant l’ouverture d’une école de devoirs à Tournai, s.d. (CARHOP, archives du MOC – Fédération de Tournai, n° 167).

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