Cédric Leloup (historien CARHOP asbl)
Capitale de la Belgique et siège d’institutions européennes, Bruxelles est aussi le théâtre récurrent de manifestations populaires sur des thématiques aussi diverses que variées. Des premières heures de l’indépendance à nos jours, son histoire est émaillée des actions de mouvements sociaux, tantôt pacifiques, tantôt violentes, mais toujours revendicatives. En ces temps où les manifestations populaires sont si souvent banalisées ou décriées, il est utile d’en évoquer les origines, l’évolution et les enjeux afin de comprendre leur sens au sein de notre démocratie.
Bruxelles, une capitale au cœur des manifestations
De nos jours, Bruxelles est la ville dans laquelle se déroulent le plus grand nombre de manifestations dans le monde.[1] Ce « record », bien que surprenant de prime abord, n’en est pas moins logique et s’explique par la place qu’occupe Bruxelles tant en Belgique qu’en Europe. Capitale belge depuis 1830, la ville constitue aussi le siège de la plupart des institutions européennes depuis la fin des années 1950. C’est également là que se situent les parlements des Communautés flamande et française, ainsi que celui de la Région de Bruxelles-Capitale. C’est donc tout naturellement vers elle que convergent les manifestations de citoyen-nes belges et européen-nes qui désirent faire connaître leurs opinions ou leurs griefs sur divers sujets aux décideurs politiques de ces multiples instances.
Dès les premières années de la Belgique indépendante, l’occupation de l’espace public bruxellois à des fins de contestation constitue un moyen de pression exercé par la population sur le gouvernement. Cette politique dite « des grandes voiries » est, dans un premier temps, employée par les libéraux contre leurs adversaires catholiques.[2] Elle est ensuite reprise de manière systématique par le Parti ouvrier belge (POB) fondé en 1885. Pour ce dernier, dépourvu de moyens importants et de possibilités d’expression, elle constitue un outil efficace permettant de faire entendre ses revendications, notamment l’obtention du suffrage universel, tout en sensibilisant à sa cause les quartiers populaires généralement hermétiques à toute propagande intellectuelle ou écrite. À ce moyen d’agitation socio-politique, les socialistes ajoutent la grève, ce qui renforce la cohésion et la solidarité au sein du mouvement, tout en rendant les couches populaires plus réceptives aux messages des meneurs.[3]
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